Arrêt de travail : la mention « burn-out » par le généraliste ne constitue pas en soi un certificat de complaisance

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Publié le 06/09/2024
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Inscrire le motif « burn-out » pour justifier un arrêt de travail ne constituerait pas une faute déontologique selon le Conseil d’État, qui a annulé une sanction ordinale. Une première.

Crédit photo : BURGER / PHANIE

« Une victoire pour les médecins ». Responsable de la cellule juridique de la FMF, le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp salue une décision du Conseil d’État, rendue le 28 mai 2024, qui pourrait changer la donne dans le diagnostic de burn-out par le seul médecin généraliste.

Dans son arrêt, le juge administratif a annulé une sanction d’avertissement infligée à une médecin généraliste par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins (ayant confirmé la décision de première instance de l’Ordre du Grand Est). Cette dernière avait estimé que la praticienne avait rédigé un certificat de complaisance en motivant la prolongation de l'arrêt de travail de la patiente par l'existence d'un burn-out (dans la rubrique des « éléments d’ordre médical »), sans avoir échangé sur le sujet avec le médecin du travail.

L’absence de communication pour diagnostiquer un burn-out est pourtant contraire aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé (HAS) qui souligne « l'importance, dans l'intérêt du patient et avec son accord, d'un échange entre le médecin du travail et le médecin traitant pour le repérage du syndrome d'épuisement professionnel ou burn-out ». Mais pour le Conseil d’État, la chambre nationale disciplinaire de l’Ordre des médecins, en sanctionnant la généraliste, « a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis », la mention du syndrome d’épuisement professionnel ne caractérisant pas en soi l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance, contraire au code de déontologie médicale.

Cinq à dix plaintes par mois d’employeurs

Interrogée par Le Quotidien, la Dr Anne-Michèle Chartier, médecin du travail, déléguée nationale santé au travail (CFE-CGC), reconnaît que « cette décision est importante car elle confirme que le médecin traitant peut poser un diagnostic de burn-out même s’il ne connaît pas le milieu du travail ». Néanmoins, elle met en garde contre le risque de multiplication des certificats reconnaissant des burn-out qui pourraient ensuite être utilisés par les salariés en litige avec leurs employeurs. « Quelle importance aura ce diagnostic devant les conseils de prud’hommes ?, questionne la Dr Chartier. Je pense que les employeurs continueront à porter plainte contre les médecins généralistes ou les psychiatres devant l’Ordre plaidant le fait que les praticiens ne connaissent pas le milieu du travail ».

Pour le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, la décision de la plus haute instance administrative pourrait tout de même « aider les confrères qui sont sous le coup d’une sanction ordinale pour ce motif ». « Nous recevons cinq à dix plaintes par mois d’employeurs contre des généralistes qui écrivaient le motif burn-out sur le certificat d’arrêt de travail », révèle le praticien. Cette situation conflictuelle est donc loin d’être rare.

Pour l’heure, le responsable syndical ne croit pas à une multiplication des certificats avec diagnostic de burn-out ; mais il déconseille à ses confrères d’inscrire le terme « burn-out », en attendant la nouvelle position de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre qui doit rejuger l’affaire après la décision du Conseil d’État.


Source : lequotidiendumedecin.fr