Un praticien niçois a été radié de l'Ordre des médecins et plusieurs de ses confrères suspendus pour avoir pratiqué des soins dits « d'hydrotomie percutanée », une pratique non reconnue scientifiquement, selon l'Ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse. Le « médecin niçois se présentant comme le fondateur » de l'hydrotomie percutanée, « a fait l'objet d'une radiation », selon la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins de Paca (précisant que huit audiences se sont déroulées début juin afin d'identifier les pratiques réelles de chacun des médecins poursuivis dans cette affaire).
Si le communiqué de l'Ordre ne mentionne pas son nom, le créateur affiché et revendiqué de l'hydrotomie percutanée est le Dr Bernard Guez. Sur la page d'accueil du site de la Société internationale d'hydrotomie percutanée, ce dernier se dit installé à Nice depuis une vingtaine d’années, en tant que médecin généraliste « spécialisé en mésothérapie, homéopathie, gériatrie, médecin esthéticien et expert auprès de l’HAS en mésothérapie esthétique ».
De surcroît, neuf médecins « ayant effectivement pratiqué » cette technique d'hydrotomie percutanée « ont été sanctionnés d'une interdiction temporaire d'exercer la médecine, d'une durée allant de trois mois (dont deux mois avec sursis) à trois ans (dont deux ans avec sursis) », ajoute la chambre disciplinaire. Pour les autres cas, la chambre a jugé que la pratique de la technique en cause telle que promue par son concepteur n’était pas caractérisée.
Blâmes et avertissements
Mais dans cette même affaire, 31 médecins ont écopé de sanctions allant du blâme à l'avertissement, pour avoir figuré sur l'annuaire de la Société internationale d'hydrotomie percutanée (SIHP) fondée par le Dr Guez. « Ne reposant pas sur les données acquises de la science, elle ne peut davantage être regardée comme une information utile au public. Ainsi, une telle mention ne correspond à aucune des indications autorisées par les dispositions du code de la santé publique », motive l'Ordre.
Cette technique d'hydrotomie percutanée consiste à pratiquer des injections sous-cutanées de sérum physiologique enrichi de plusieurs éléments avec des grandes dilutions. Elle vise selon ses promoteurs à soulager les douleurs récurrentes. Deux structures – une association et une société par actions simplifiée – mises en place par le Dr Guez permettaient de vendre des formations payantes destinées à différents professionnels de santé et de délivrer les produits nécessaires.
Selon le communiqué détaillé de l'Ordre, le médecin radié présente, enseigne et pratique cette technique dont il revendique plus de « 300 000 » actes pour le traitement d’indications et pathologies extrêmement variées : « acouphènes », « algodystrophie », « arthrose », « syndrome du canal carpien », « cellulite », « chute de cheveux », « colopathie », « maladie de Crohn », « douleurs de l’articulation temporomandibulaire », « douleurs », « électrosensibilité », « fibrose (postopératoire et cicatricielle) », « maladies auto immunes », « migraines », « névralgie, sciatiques », « pathologies allergiques, sinusite, bronchite, herpès », « stress, anxiété, dépression légère » et « zona ».
Mais selon la chambre disciplinaire de l'Ordre, « les études scientifiques disponibles n'apportent nullement la démonstration de l'efficacité thérapeutique de la technique dite de l'hydrotomie percutanée ». « Les effets indésirables de cette technique ne sont pas documentés », ajoute-t-elle.
Elle relève également que cette technique n’est reconnue ni par la Haute Autorité de santé (HAS), ni par le Collège de la médecine générale (CMG), ni par aucune autre autorité ou société savante faisant autorité au plan scientifique. En mai déjà, douze infirmiers et infirmières avaient été sanctionnés de peines par leur Ordre national pour avoir délivré ce type de soins.
Une cinquantaine de médecins dans la boucle
Au total, 51 médecins exerçant dans différents départements métropolitains ainsi qu’outre-mer étaient concernés par cette procédure disciplinaire, confiée intégralement à la région Paca-Corse de l'Ordre pour éviter l'éparpillement des décisions.
Cette décision intervient alors que, mardi, l'Ordre des médecins a dénoncé dans un rapport les « dérives thérapeutiques » de plus en plus fréquentes des « pratiques de soins non conventionnelles ».
Les ministères de la Santé et de l'Intérieur ont réuni cette semaine pour la première fois le nouveau comité d'appui pour l'encadrement des pratiques non conventionnelles de santé, qui va rassembler des autorités de santé comme l'Agence de sécurité du médicament, la Miviludes ou encore le collectif No FakeMed.
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