Don de sperme et levée d’anonymat : le Conseil d’Etat doit trancher

Publié le 19/10/2015

Crédit photo : THOMAS FREDBERG/SPL/PHANIE

Doit-on partiellement lever l'anonymat des donneurs de sperme ? La question concerne entre 50 000 et 70 000 enfants nés depuis l’ouverture des CECOS en 1973. L’une d’entre eux, une femme de 35 ans, conçue par insémination artificielle avec donneur, a saisi le Conseil d'État pour obtenir des informations sur son père biologique. La requérante, qui a témoigné dans un livre sous le nom d'emprunt d'Audrey Kermalvezen, mène depuis des années un combat judiciaire pour obtenir une levée partielle du secret qui entoure ses origines."Je ne considère pas mon géniteur comme un père, un membre de ma famille, mais il fait partie de moi. Ce n'est pas une quête affective, c'est juste savoir d'où je viens, qui je suis. J'aimerais savoir à quoi il ressemble", explique-t-elle.

L'audience du Conseil d'Etat se tiendra mercredi et la décision sera mise en délibéré. Avocate de profession, Audrey Kermalvezen avait saisi l'administration en 2009 après avoir découvert, à 29 ans, avoir été conçue par insémination artificielle, mais elle s'est toujours heurtée au refus de l'APHP, l'anonymat du don étant inscrit dans la loi française. "J'étais pourtant certaine de pouvoir obtenir des informations non identifiantes", a raconté l'avocate à l'AFP. Parmi ses demandes, la jeune femme souhaite notamment savoir si elle et son frère, lui aussi né par don de sperme, ont été conçus par le même donneur.

Aujourd'hui marié avec un homme également né d'un don de gamètes, elle pointe un risque potentiel de consanguinité induit par l'impossibilité d'obtenir la moindre information sur son géniteur et celui de son mari. La requérante souhaite aussi connaître l'âge de son donneur, ses caractéristiques physiques générales (couleur des yeux, des cheveux, taille, poids), le type d'activité qu'il exerçait, ses antécédents médicaux. Et s'il est à l'origine d'autres dons: "Pour savoir si j'ai des demi-frères et demi-soeurs dans la nature". -

Connaitre aussi ses antécédents médicaux

"Et, comme on prendra contact avec lui, on peut aussi lui demander s'il est opposé à ce que son identité soit dévoilée ou pas", explique-t-elle en s'engageant à respecter sa décision. Déboutée de ses demandes par le tribunal administratif puis par la cour administrative d'appel, elle a saisi la plus haute juridiction administrative arguant que la loi française viole l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme sur le "droit au respect de la vie privée et familiale". Dans un arrêt, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait rappelé en 1992 que les personnes dans la situation de la requérante "ont un intérêt vital à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle".

Sur ces questions, le débat est ouvert, mais "la loi française ferme complétement la porte. On n'a le droit de ne rien savoir du tout, dans aucune circonstance, ou alors en cas de problèmes médicaux graves mais, même dans ce cas, c'est compliqué", explique à l’AFP son avocat, Me Julien Occhipinti. Et d’expliquer : "L'objet de notre procédure, c'est que le Conseil d'État déclare la loi française inconventionnelle par rapport à la CEDH. Ce sera ensuite au législateur d'en tirer les conséquences et de refaire la loi", affirme-t-il. Pour Audrey Kermalvezen, qui se dit certaine d'obtenir gain de cause devant la CEDH, il s'agit d'une course contre la montre, le code de la santé publique obligeant, dit-elle, les banques de sperme (Cecos) à conserver le nom des donneurs pendant un délai minimum de 40 ans.


Source : lequotidiendumedecin.fr