Pour les six prochains mois, le procès en appel du Mediator aura lieu dans la « salle des grands procès » de la Cour d’appel de Paris. Le lundi 9 janvier marque son ouverture.
Mis sur le marché comme antidiabétique en 1976, mais indûment prescrit comme coupe-faim jusqu'en 2009, le Mediator a entraîné de graves effets secondaires sur des milliers de patients souffrant de pathologies cardiaques ou pulmonaires et parfois entraîné leur mort. Il a été prescrit à environ 5 millions de personnes durant ses trente-trois ans de commercialisation.
De lourdes condamnations en première instance
En première instance, les laboratoires Servier et leur ancien numéro 2, Jean-Philippe Seta, ont été reconnus coupables de tromperie aggravée et d'homicides et blessures involontaires. Servier a écopé d'une amende de 2,7 millions d'euros, J.-P. Seta d'une peine de quatre ans de prison avec sursis et d'une amende de 90 600 euros. Le groupe a été en outre condamné à verser un total de plus de 183 millions d'euros de dommages et intérêts aux victimes.
Dans son jugement, le tribunal correctionnel de Paris a estimé que les laboratoires Servier « disposaient à partir de 1995, de suffisamment d'éléments pour prendre conscience des risques mortels » liés au Mediator.
Plus de 7 500 parties civiles
Le laboratoire français a en revanche été relaxé des délits d'obtention indue d'autorisation de mise sur le marché et d'escroquerie, au préjudice notamment de la Sécurité sociale, ce qui a conduit le parquet de Paris et des parties civiles à faire appel. Dans leur sillage, le groupe pharmaceutique a lui aussi formé un appel. Condamnée à 303 000 euros d'amende pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator malgré sa toxicité, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps) n'a pas fait appel.
Seuls le groupe Servier et Jean-Philippe Seta seront donc jugés devant la Cour d'appel présidée par Olivier Géron. Plus de 7 500 parties civiles étaient constituées avant l'ouverture de l'audience. Comme pour les procès des attentats du 13-novembre et de Nice, elles pourront suivre sur une webradio les débats prévus jusqu'au 28 juin, à raison de deux journées et demi d'audience par semaine. Une cinquantaine de parties civiles devraient témoigner à la barre durant quatre jours fin février.
Retirer la Légion d’honneur à Jacques Servier ?
La pneumologue Irène Frachon, qui avait révélé au grand public l'ampleur du scandale, viendra de nouveau témoigner à la barre, même si elle a confié avoir « perdu confiance dans la capacité de la justice à condamner ce type d'infractions à la hauteur de la gravité des délits commis ».
« La montagne a accouché d'une souris » en première instance, a-t-elle estimé en regrettant « la modicité des peines », en deçà des réquisitions du parquet, et une occasion manquée de « donner un signal fort » aux industriels du médicament qui ne respecteraient pas les règles.
Dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche du 8 janvier, la praticienne de l'hôpital de Brest-Carhaix (Finistère) a demandé à Emmanuel Macron de modifier le code de la Légion d'honneur afin de retirer à titre posthume cette décoration à Jacques Servier, le fondateur des laboratoires du même nom, décédé en 2014 sans avoir rendu de comptes à la justice. Pour les avocats des parties civiles, l'enjeu du procès est d'obtenir la confirmation du jugement de première instance, le maintien a minima des indemnisations versées à leurs clients et que Servier soit reconnu coupable d'escroquerie.
Avec AFP
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