Lucie a fait ses études en étant boursière à la Catho de Lille. Aucun membre de sa famille n'est médecin et c'est astronaute qu'elle voulait être ! Ça, c'était avant les stages en classe de seconde effectués dans un cabinet libéral. Et puis de toutes les façons, il lui manquait 1 cm pour réaliser son premier rêve, souligne avec malice la jeune trentenaire. Installée depuis le 3 janvier 2020 à Loon-Plage, une petite commune entre Calais et Dunkerque, Lucie a fait auparavant un Erasmus à Valencia en Espagne. Elle a poussé l'expérience deux ans durant, tout en passant ses examens en France. Un parcours qui lui a plutôt bien réussi.
La médecine générale ? Lucie l'a décidée à l'issue d'un semestre vraiment enrichissant auprès d'un praticien de ville : « Un maître de stage juste formidable, il m'a confortée dans ce choix et m'a même donné l'envie d'avoir des internes et de transmettre à mon tour. » Mais revenons en arrière. Dès que la jeune femme obtient sa licence, elle fait des remplacements. Tout particulièrement dans un cabinet à Loon-Plage tenu par deux confrères. Au bout de deux ans, c'est elle qui leur propose de s’associer. C'est niet ! Lucie, décide alors de voler de ses propres ailes. « Je me sentais capable ! »
Sa propre installation, la médecin l'a pensée et fortement désirée. « Je voulais du neuf, et une installation à mon image, cela faisait partie de mes critères. » Elle avait déjà refusé une précédente proposition : le cabinet en question était situé dans le lieu d'habitation, très ancien, du praticien qui prenait sa retraite. Hors de question ! Lucie est un esprit indépendant et tient à le rester. Avec bon sens, elle relève qu'une patientèle que l'on reprend tient, toujours, aux habitudes de soins, voire aux rituels mis en place par le prédécesseur. Or, ce qui lui déplaît c'est… « d’enfiler les pantoufles d'un autre ».
Gagner sa vie et la préserver
De ses remplacements, la Dr Rigollé assure n'avoir repris que le meilleur : « Ils m'ont aidée à voir ce que j'étais capable de faire, j'ai fait expérience de 80 actes par jour, avec parfois, des patients qui se mettaient à soupirer simplement lorsque je traversais la salle pour aller aux toilettes ! » Donc, avant de se lancer dans l'aventure de l'installation, la « très carrée » Lucie a planifié ses charges, ses recettes et a calculé le nombre nécessaire de consultations. Avec un objectif pour son futur cabinet : 30 actes par jour, pas plus ! Son but ? Atteindre le juste équilibre entre gagner sa vie et la préserver.
La séparation entre vie professionnelle et vie privée est aussi un leitmotiv. Pas question d'exercer dans la ville de son lieu de résidence. Il s'agit de préserver sa famille avec les deux enfants qu'elle élève en solo et qui pratiquent chacun un instrument de musique. Comme leur maman. La jeune mère tient particulièrement à cette harmonie-là. Sans compter le temps qu'elle veut investir dans la gestion politique de sa ville. Car la généraliste est aussi une toute nouvelle élue municipale.
Comment mener tout cela de front ? Pour y parvenir, la jeune femme a un temps déposé sa candidature dans un centre de santé à Dunkerque. Un mode d'exercice qui aurait eu l'avantage de lui garantir horaires stables et salaire fixe. Mais l'opportunité d'ouvrir son propre cabinet s'est présentée avant l'arrivée d’une réponse.
Aujourd'hui, le cabinet dans lequel elle exerce, a la forme juridique d'une SCI. La société regroupe plusieurs infirmières, un orthophoniste et un sophrologue hypnothérapeute. Elle est située en zone semi-rurale. Du coup, la Dr Rigollé bénéficie de toutes les aides prévues dans ce cas. Elle constate cependant « qu'elles seront réellement perçues au cours de la deuxième année ». Cette installation de fraîche date a permis à un médecin de 71 ans, de prendre, enfin, sa retraite. Avant son départ, il a transmis à chacun de ses patients, une clé USB contenant son dossier médical. Plusieurs centaines d'entre elles ont atterri sur le bureau de la jeune généraliste.
Rattrapée par le principe de réalité
Après quelques mois d'exercice, elle a aussi appris à « dire non » et pose les limites à ceux qui n'en ont pas : respect des horaires et annulation en cas d'empêchement auprès de la plateforme téléphonique dont elle loue (dans tous les sens du terme) les services, avec une durée (toute théorique) de quinze minutes par patient.
Lucie Rigollé embraye très tôt ses consultations. C'est du non-stop jusqu'à 15 heures (avec un petit quart d'heure pour déjeuner) et poursuit les visites à domicile en principe jusqu'à 17 heures. Déjà débordée ! Après avoir mis en ligne son planning, quinze jours avant l'ouverture du cabinet, la médecin généraliste comptait déjà 350 rendez-vous. Elle a même dû en refuser dès le lendemain de son installation. Un crève-cœur. Évidemment, sur le plan financier, la jeune praticienne est dans les clous, mais elle a dû composer avec ses intentions initiales. À ses yeux, la médecine reste pourtant un art : « Ce n’est pas un métier, c'est vraiment une vocation et mes patients, ils peuvent vraiment être pénibles mais je les ai dans la peau et ils me le rendent bien ! »
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