Près de 2 000 déclarations de dommages corporels pour les médecins en 2021, neurochirurgiens et chirurgiens digestifs en première ligne

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Publié le 29/09/2022
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Crédit photo : S.Toubon

Après une année de baisse liée au Covid, les sinistres déclarés par les confrères sont repartis à la hausse. En 2021, le taux de sinistralité chez les médecins s’établissait à 1,23 %, en augmentation de 7 %, selon le bilan annuel du risque médical établi par la MACSF sur ses 162 023 médecins sociétaires. « La situation est revenue à la normale, nous nous rapprochons des chiffres de 2019 », note Nicolas Gombault directeur général délégué de la MACSF.

356 déclarations chez les généralistes

Devant les médecins, ce sont les chirurgiens-dentistes qui déclarent le plus fort taux de sinistres (6,41 %), contre 0,16 % pour les sages-femmes ou 0,38 % pour les masseurs- kinésithérapeutes. Au total, la MACSF a reçu 4 289 déclarations de sinistres corporels en 2021, dont 1 991 de médecins.

En valeur absolue, ce sont, comme chaque année, les généralistes qui déclarent le plus grand nombre de dommages : 356 en 2021. Viennent ensuite les chirurgiens orthopédiques (293 sinistres) et les ophtalmologues (221).

84 % des neurochirurgiens exposés

« Leur exposition au risque est en réalité très différente et doit être rapportée au nombre de praticiens en exercice », rappelle Nicolas Gombault. Ainsi, comme en 2020, ce sont les neurochirurgiens qui sont la spécialité la plus à risque de dommage corporel, avec une sinistralité de 84 % en un an. « C’est une fréquence telle que cela veut dire que presque chaque neurochirurgien assuré a été mis en cause dans l’année, résume le numéro deux de la MACSF. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ont été condamnés ».

En deuxième position, arrive la chirurgie générale, viscérale et digestive, avec un taux de dommage corporel qui grimpe à 72 % pour ces praticiens (+47 % vs 2020). Viennent ensuite la chirurgie orthopédique (48 % de sinistres) et la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, avec 41 % des praticiens qui déclarent un dommage.

En un an, « l’oncologie augmente aussi fortement et passe d'1 % de sinistralité en 2020 à 6 %, ce qui s’explique peut-être par un effet Covid car certains cancers ont été diagnostiqués de façon tardive », avance Nicolas Gombault. Les généralistes libéraux pour leur part restent en bas de classement, avec un taux de sinistralité de 0,88 %.

67 % des soignants condamnés au civil, en baisse !

Depuis plusieurs années, lorsqu’un médecin est mis en cause « ce sont les réclamations à l’amiable qui sont le plus nombreuses, dans 36 % des cas », poursuit Nicolas Gombault. Dans 34 % des situations, les sinistres aboutissent à une saisine de la commission de conciliation et d’indemnisation (CCI), tandis que 18 % se jouent au civil, 3 % au pénal et 4% devant la justice ordinale.

En 2021, pour juge de la responsabilité du soignant dans le dommage, 396 décisions ont été rendues au civil. Une augmentation de 19 % par rapport à 2020. Au total, 697 professionnels de santé et établissements ont été poursuivis devant une juridiction civile.

À l’issue des procédures civiles, 67 % des professionnels de santé sont condamnés. Un taux très élevé, mais en baisse pour la première fois depuis 2017. En 2020 - année pourtant au ralenti - 72 % des soignants avaient été condamnés. « Y a-t-il une tendance à moins de sévérité des juridictions civiles ? » s’interroge Nicolas Gombault.

Quant au pénal, 17 professionnels de santé ont été poursuivis en 2021 dont 46 % d’entre eux ont été condamnés sur les 13 décisions rendues. « La procédure pénale reste exceptionnelle », rappelle le directeur délégué de la MACSF.

152 chirurgiens à la barre

Ce sont les chirurgiens qui sont les plus présents à la barre. 152 d’entre eux ont été appelés à comparaître au civil en 2021, dont 53 chirurgiens orthopédiques, 37 chirurgiens généralistes et 23 neurochirurgiens. Aussi, 74 médecins généralistes et 53 anesthésistes-réanimateurs sont passés au tribunal cette année. Un classement inchangé depuis quatre ans.

49 millions d'euros d'indemnités

Fait nouveau : la MACSF note que les indemnités au civil sont en forte hausse. 49,1 millions d’indemnisations ont été versées en 2021, en hausse de 67 % par rapport à 2020. Dans un cas sur cinq, les sommes dépassent les 100 000 euros. « Ces chiffres ne sont pas étonnants car nous voyons une augmentation des indemnités à plus d’un million d’euros : 11 en 2021, contre 5 en 2020 », souligne Nicolas Gombault.

À eux seuls, les chirurgiens cumulent 11,6 millions d’euros d’indemnités - dont 3,8 millions pour la neurochirurgie - 8,5 millions pour les gynécologues-obstétriciens et 7,9 millions pour les médecins de famille.

Les CCI plus sévères

Cette année encore, l’activité des CCI repart de plus belle, avec une augmentation de 55 % des saisines par rapport à 2020. Désormais, le nombre d’avis est, à nouveau, supérieur au nombre de décisions de justice.

Sur les 1 165 saisines répertoriées par la MACSF, 41 % retiennent une faute totale ou partielle du professionnel de santé. « Il y a une sévérité beaucoup importante des CCI par rapport aux années précédente », note Nicolas Gombault, alors que dans un tiers des cas, le soignant est retenu comme le seul fautif. Dans 16 % des affaires, les CCI retiennent un aléa thérapeutique et dans 14 % une infection nosocomiale.

Des sinistres liés la pandémie

Après deux ans de pandémie, le Covid « a forcément eu un impact médico-légal pour nos assurés », soulève le Dr Thierry Houselstein, directeur médical de la MACSF. Sur la centaine de dossiers liés au virus, « beaucoup concernent des Covid nosocomiaux, à l’hôpital ou en ville, mais aussi des déprogrammations avec des pathologies qui n’ont pas pu être prises en charge ou diagnostiquée à temps », note-t-il.Le Dr Houselstein rapporte, par exemple, le cas d’un patient dont le glaucome s’est dégradé rapidement, ou d'un autre qui n’a pas pu bénéficier de la pose d’un stent.

Une dizaine de dossiers a également à trait à la pratique de la téléconsultation pendant la crise, « essentiellement lié à des erreurs de diagnostics, très clairement du fait de l’absence d’examen clinique », poursuit Thierry Houselstein. Il cite ainsi le cas de l’un de ses sociétaires, qui, face à un patient qui se plaignait de douleurs abdominales, n’a diagnostiqué qu’une simple gastroentérite, « alors qu’il s’agissait d’une appendicite, qui s’est transformée en péritonite ».


Source : lequotidiendumedecin.fr