Cette loi du 14 février 2022 sur l'activité professionnelle indépendante est un bouleversement majeur! Centrée sur la protection du patrimoine personnel du travailleur indépendant et sur la transmission de son patrimoine professionnel, ainsi que sur l’accès désormais possible à l’allocation chômage en cas de faillite, cette réforme recèle une particularité fiscale décisive : la possibilité à partir du 15 mai 2022 de soumettre le résultat de votre entreprise individuelle (EI) à l’impôt société (IS), alors que jusqu’alors ce résultat ne pouvait être soumis — dans son intégralité — qu’à l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Et cela sans avoir besoin de créer la moindre société d’exercice (SEL). Cela ouvre des opportunités inattendues à de nombreux médecins libéraux. Mais être ainsi assimilé à une EURL ne leur sera indiqué que dans certaines situations.
Tous les médecins libéraux, collaborateurs et remplaçants concernés
Tous les médecins libéraux en exercice individuel BNC peuvent désormais modifier librement leur statut fiscal et juridique et accéder à la plus grande souplesse dans la structuration de leur rémunération. Exactement comme s’ils exerçaient en société sans avoir à s’en coltiner les formalités, la lourdeur, la lenteur et le coût de création. Pour les médecins collaborateurs libéraux et tous les remplaçants, il s’agit d’un bouleversement encore plus important car jusqu’alors les dispositions ordinales leur interdisaient la modification de leur statut fiscal et juridique : la nouvelle loi rend caduques ces barrières ordinales depuis le 15 mai 2022. Il en est de même pour les praticiens hospitaliers ayant une activité libérale (20 %). Cependant, dans de nombreuses situations, d’autres voies de rémunérations que vos BNC ne sont pas pertinentes. D’où notre conseil de prudence : faites réaliser des simulations fiables.
Des conséquences en cascade
Décider librement du montant et de la nature de votre rémunération annuelle et s’affranchir de la rigidité du BNC est chose tentante, mais l’affaire reste complexe : ● La fiscalité par l’IS sous-entend un second tour fiscal au moment où vous récupérez votre rémunération sous quelque forme que ce soit (RTI = rémunération de travailleur indépendant ou/et dividendes) ; ● Votre RTI reste soumise à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) après un abattement de 10 % automatique (comme les salariés, sauf option pour les frais réels) ; ● Votre RTI est déductible du résultat de votre entreprise individuelle soumis, lui, à l’IS dont nous rappelons que son taux en 2022 est de 15 % pour les 38 120 premiers euros, et de 25 % au-delà ; ● Si vos BNC constituent les uniques revenus imposables de votre foyer fiscal, ces taux d’IS ne sont pas directement comparables à votre TMI (taux marginal d'imposition) du barème de l’IRPP (car première tranche taxée à 0 %, puis deuxième à 11 %) ; ● Vos cotisations sociales obligatoires restent dues et sont calculées grosso modo comme en BNC sur votre RTI entière et sur la plupart de vos dividendes, selon des règles particulièrement complexes ; ● Dividendes eux-mêmes soumis, sur le plan fiscal, soit au PFU (prélèvement forfaitaire unique au taux fiscal de 12,80 %), soit sur option à l’IRPP après abattement de 40 %.
Notre conseil de prudence
Toutes ces options et combinaisons possibles — librement décidées par l’entrepreneur individuel qu’est tout médecin libéral — ouvrent la voie à de potentielles optimisations en matière de rémunération et d’imposition, tant fiscale que sociale. Mais soyons clairs : cette réforme n’apporte pas de miracles sur un plateau d’argent : les indications potentielles doivent être étudiées, au cas par cas. Avec plus de 35 ans de recul sur ces questions, nous estimons que réaliser des simulations fiables en la matière est un art bien plus délicat qu’il n’y paraît, même pour des conseillers dits spécialisés. Tout particulièrement sur vos cotisations sociales, si productives de droits et optimisées, ou si carrément éludées. Et une fois l’indication clairement posée, il reste à évaluer toutes les conséquences à moyen terme (5 ans) d’une décision (possible ou nécessaire) de renonciation à l’imposition à l’IS… pour viser un retour à un BNC traditionnel. Il s’agit là d’un art encore plus difficile que le précédent.
Deux contre-indications majeures – L’option à l’IS ouverte par cette réforme impose de renoncer au régime fiscal Micro-BNC pour les médecins (nombreux) qui y sont éligibles (cf. QdM n° 9928). Par ailleurs, dans les zones fiscales d’aménagement du territoire (ZFU, ZRR) et dans les zones déficitaires en offre de soins (cf. QdM n° 9913), l’option à l’IS est pratiquement contre-indiquée, car contraire à vos intérêts.
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