Primes généreuses, cabinet gratuit, secrétariat médical, logement, voiture de fonction… Les villages touchés par la désertification médicale se livrent parfois à une surenchère financière pour recruter des médecins. En 2020, le département du Lot-et-Garonne a tenté de mettre fin à ces dérives en élaborant une charte de non-concurrence entre les communes.
« L’idée était d’empêcher qu’elles tentent de débaucher le médecin d’à côté en jouant la surenchère, détaille Sophie Borderie, la présidente du conseil départemental à l’origine de cette initiative. On avait constaté que cela pouvait arriver au sein d’une même agglomération. Cela revenait à déshabiller Paul pour habiller Jacques. »
Cette charte visait également à inciter les collectivités locales à travailler de concert au recrutement de médecins, sans se tirer dans les pattes. « La démarche était surtout symbolique, il n’y avait pas d’effet coercitif. Mais ça nous a permis d’échanger entre élus et de constater que ça ne pouvait pas durer comme ça », explique Sophie Borderie, infirmière anesthésiste de formation.
Une démarche similaire avait vu le jour en 2018 dans le Loiret, où trois communes de la métropole orléanaise avaient élaboré une charte solidaire et responsable, à travers laquelle elles s’engageaient à ne pas concurrencer les villages avoisinants dans le recrutement de médecin.
Chasseurs de prime ?
Plus d’une centaine de communes du Lot-et-Garonne ont adhéré à l’initiative. Pour quel bilan, deux ans plus tard ? « C’est moins pire que si on n’avait rien fait, répond Sophie Borderie. Mais il y a toujours des professionnels de santé, et pas seulement des médecins, qui se servent pendant 5 ans sur un territoire et qui changent pour bénéficier de nouveaux avantages accordés dans les zones touchées par la désertification médicale. » Cette pratique n’a rien d’illégale, reconnaît la présidente du conseil départemental, mais elle ne cache pas son agacement : « Sur le plan déontologique, c’est quand même gênant… »
L’élue ne remet pas en cause ces primes à l’installation, dans la mesure où « c’est un élément d’attractivité ». Elle constate par ailleurs que le salariat gagne du terrain et constitue aujourd’hui un argument efficace pour recruter des médecins. « Leur conception du métier a évolué. C’est fini le temps où ils travaillaient 70 heures par semaine. Ils veulent travailler en groupe dans des centres de santé pluridisciplinaire », observe Sophie Borderie.
Conventionnement sélectif temporaire
Il n’empêche que la démographie médicale empire dans le département, notamment en raison de nouveaux départs à la retraite de praticiens. Pour enrayer ce phénomène, la présidente du département n’écarte pas l’idée de réguler l’installation, une mesure plébiscitée par les maires. Le conventionnement sélectif temporaire faisait d’ailleurs partie des propositions formulées par le conseil départemental durant la dernière campagne législative.
« Il y a un tel désarroi dans les territoires, qu’il faut l’entendre. Ce n’est pas rare de devoir attendre 6 ou 9 mois pour avoir un rendez-vous chez un spécialiste », argumente Sophie Borderie. L’idée d’une quatrième année d’étude en médecine générale, effectuée en priorité dans les déserts va dans ce sens, se satisfait l’élue qui reconnaît que cette mesure n’est pas populaire auprès des jeunes. « J’entends leur refus. Je reconnais qu’ils font des études longues, qu’ils font tourner les services hospitaliers… C’est très compliqué, admet-elle. Mais ça ne peut plus durer. On ne peut pas faire le dos rond pendant 10 ans. »
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