Démographie médicale

Face aux déserts, la Creuse résiste tant bien que mal

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Publié le 05/02/2021
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Département rural par excellence, le « 23 » est en recherche permanente de praticiens. Malgré le lancement d'un plan d'actions spécifiques, les acteurs de terrain restent inquiets sur l'attractivité du territoire.
Les cantons ruraux sont particulièrement touchés par la désertification

Les cantons ruraux sont particulièrement touchés par la désertification
Crédit photo : AFP

Sombre constat, la Creuse, avec ses 118 700 habitants, était classée au dernier rang des départements en matière de présence médicale, selon l’Observatoire-Place de la Santé (Mutualité Française) publié fin 2020 sur les inégalités d'accès aux soins. Environ 20 % de la population y réside dans une zone sous-dense en médecins généralistes. 

Les praticiens s'y font rares pour répondre aux besoins d’une population dont 39 % a plus de 60 ans (contre 27 % au niveau national). Et côté spécialistes, le département plafonne à 88 praticiens pour 100 000 habitants, ce qui allonge considérablement les prises de rendez-vous dans certaines disciplines (six mois pour l'ophtalmologie).

Afin d’enrayer l'aggravation du phénomène – deux tiers des généralistes creusois ont plus de 55 ans –, l’agence régionale de la santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine a lancé dès 2017 son « Plan santé +23 » qui visait à créer des vocations médicales et motiver les candidats à l’installation. La Creuse a été placée en zone d’action complémentaire (ZAC), ce qui permet aux postulants d’accéder à diverses aides des collectivités ou de l’Assurance-maladie.

Un peu le paradis ?

Autre piste privilégiée, la création de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), comme à Royère-de-Vassivière (575 habitants), qui a inauguré sa structure. Elle se rattache à quatre autres MSP similaires du nord du département, constituant ainsi un pôle de santé plus attractif. Mais la commune recherche toujours un médecin pour animer son unité, le titulaire ayant pris sa retraite. « Nous bénéficions pourtant d’une qualité de vie évidente et de la certitude pour un médecin de pouvoir subsister grâce à une importante patientèle, relève le maire, Raymond Rabuteau. Notre MSP abrite des infirmiers, un kiné, une sage-femme, une pharmacie en voisinage, tandis que notre pôle permet au praticien de travailler en partenariat avec des confrères, dans les meilleures conditions. Sans parler des côtés pratiques, comme le foncier à prix raisonnable pour se loger, le lac de Vassivière, un territoire touristique majeur du Limousin, l’école dans une commune voisine, etc.. Vivre ici, pour un généraliste, c’est un peu le paradis ! »

D'autres objectifs sont affichés visant l'essor de la téléconsultation, le déploiement de bus itinérants ou une meilleure coopération public/privé. La participation des infirmières en pratique avancée (IPA) pourrait être un précieux relais entre patients et généralistes.

Trompe l'œil

De prime abord, les résultats de cette mobilisation semblent prometteurs. Selon les chiffres de l’Ordre départemental, le nombre de généralistes (tous secteurs d'exercice) pour 100 000 habitants a augmenté de 13,6 % en dix ans. Il n’existe plus de bassins de vie en position « défavorable », tous sont classés en position « encourageante ».

Mais en réalité, en dehors des grandes agglomérations creusoises raisonnablement pourvues (notamment Guéret, qui compte 14 000 habitants, Bourganeuf et La Souterraine), la réalité désertique des cantons ruraux demeure évidente et les nouvelles vocations libérales restent rares. Le Dr Jean-Paul Lamiraud, président de l’Ordre départemental des médecins, évoque prudemment un « début de renouvellement ». Il estime que « l’accès aux soins devient de plus en plus compliqué, notamment pour ceux de second recours. Quant aux IPA, nous avons toujours été favorables à cette expérience même si, en pratique, elle reste complexe à mettre en œuvre. »

Le Dr Jean-Marie Conquet, responsable local des Généralistes-CSMF, reste dubitatif sur l’avenir médical de son département. « Les MSP ne peuvent pas être généralisées partout, sauf à devenir des coquilles vides sans praticiens, analyse-t-il. La médecine itinérante peut être séduisante : un bus, un local dédié, un bureau dans une mairie, pourquoi pas ? Il y a aussi la télémédecine, sous condition qu’elle soit encadrée, et autre chose qu'un simple entretien téléphonique expliquant une ordonnance. » Mais il qualifie les dispositifs actuels de « rustines » au regard des besoins actuels. « Nous sommes tous dans une situation dramatique qui va s’amplifier sur les cinq ans qui viennent. »

De notre correspondant Jean-Pierre Gourvest

Source : Le Quotidien du médecin