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La Mayenne, tête chercheuse contre les déserts médicaux

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Publié le 14/04/2023
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Services concrets aux internes, amélioration des conditions d'exercice des libéraux, financement de travaux des cabinets, soutien logistique et administratif : un an après avoir organisé ses états généraux de la santé (EGS), le conseil départemental de la Mayenne cherche à transformer l'essai dans ce territoire frappé par la désertification médicale.
Un an après l'organisation d'« états généraux de la santé », la Mayenne applique son plan. Un des objectifs est de réduire le nombre de patients sans médecin traitant

Un an après l'organisation d'« états généraux de la santé », la Mayenne applique son plan. Un des objectifs est de réduire le nombre de patients sans médecin traitant
Crédit photo : Twitter

« Plus de 10 % de la population mayennaise n’a pas de médecin traitant » : Olivier Richefou, président (UDI) du conseil départemental, aime à marquer les esprits. Avec seulement 6,2 généralistes pour 10 000 habitants, la Mayenne est un des départements les moins bien dotés du pays. 

Face au désert médical qui avance surtout dans sa partie rurale, le département est depuis des années un terrain d'innovation et de sur-mesure. Éclosion de maisons de santé pluriprofessionnelles, organisation « maison » des tours de garde qui a fait ses preuves (lire page 17), création d'un « service médical de proximité » en 2017 avec les renforts de praticiens retraités et d'internes, bourses aux étudiants : autant de mesures utiles mais qui n'ont pas permis enrayer le phénomène de pénurie médicale.

Lycéens, internes : les jeunes chouchoutés

D'où la volonté de changer de braquet, sans attendre les solutions de Paris. En mars 2022, durant quatre semaines, le conseil départemental a pris le taureau par les cornes en rassemblant blouses blanches, patients, élus et institutionnels autour d'états généraux de la santé, opération unique en son genre. Réunions publiques, plateforme numérique : colligées dans un Livre blanc, les recettes mayennaises ont débouché, un an après, sur 25 actions concrètes. Avec un premier budget de 2,8 millions d'euros, quatorze d'entre elles ont déjà été lancées. « Les autres le seront d’ici à 2024, assure Olivier Richefou. Il n'est plus possible de tout miser sur les mesures nationales, d'autant qu'elles mettent en moyenne dix ans avant de produire leurs effets. »

En Mayenne, priorité sera d'abord donnée aux attentes de la nouvelle génération. « On n'a jamais voulu entrer dans le débat de la régulation à l'installation mais plutôt cultiver ces ressources pour les conserver », avance l'élu local. Les lycéens sont même les premières cibles avec une bourse de 2 000 euros attribuée à la rentrée de septembre à 15 jeunes mayennais qui se lancent dans les études de médecine. « Nous chouchoutons aussi les internes en médecine générale car trois quarts des médecins qui s’installent en Mayenne sont d’anciens internes », confie le président du département.

Accueil accompagné, tutorat organisé (en 2e et 3e année), découverte du territoire lors de soirées conviviales, « aide de 300 euros par mois » pour les internes en stage en Mayenne : le département met le paquet pour susciter les vocations et faciliter la mobilité des jeunes vers les communes mayennaises. Les horaires des trains ont été adaptés pour faciliter la venue des internes du CH d’Angers à Laval. Deux véhicules électriques en autopartage et trois vélos électriques seront mis à leur disposition « pour qu'ils puissent relier rapidement la gare et l'hôpital », évitant les transports en commun. L'institution participe aussi au financement (à hauteur de 600 000 euros) d'un campus d'accueil des internes à l'hôpital de Laval. « Ce sera ouvert en octobre », promet Olivier Richefou. Une offre de logements dédiés est aussi à l'étude. 

Conjoint, paperasse : rôle facilitateur

Le département souhaite aussi soutenir plus activement l'installation des médecins en libéral et faciliter leurs conditions d'exercice. Au menu, guichet pour la perception des aides à disposition, la recherche de logement, l’emploi du conjoint et les solutions de garde d’enfants, sans oublier « tout ce qui peut aider les médecins à libérer le temps médical ». À cet égard, le recrutement d'assistants médicaux ou d'infirmiers en pratique avancée (IPA) est jugé prioritaire. Pour aider les praticiens libéraux à aménager ou agrandir leurs locaux afin de pouvoir accueillir ces auxiliaires, le département finance ces dépenses de travaux « à hauteur de 50 % » (plafonnés à 20 000 euros).

Ce n'est pas tout, il ambitionne la création d'une offre de services administratifs censée « décharger les médecins des formalités, du recrutement de la femme de ménage ou de la secrétaire à la rédaction du contrat de maintenance ». Cette solution inédite pourrait « inciter les médecins salariés à franchir le pas de l'exercice libéral qui est de nature à donner un temps médical plus important », espère Olivier Richefou.

Un début mais...

Tête chercheuse contre les déserts, la Mayenne espère servir d'aiguillon. « Ces initiatives sont un début pour permettre de faire progresser notre système de santé, aux côtés de l’État, dont c’est la compétence, explique Olivier Richefou. Pour nous, il y a un premier indicateur clair qui est le nombre de Mayennais sans médecin traitant. L'objectif est de réduire ce chiffre à 7 % ». 

Offensive, la démarche est saluée par le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF et médecin du cru. « Le département est un excellent échelon pour définir certaines priorités, analyse le généraliste. C'est nécessaire en Mayenne où des difficultés importantes d'accès aux soins existent tant au niveau hospitalier qu'ambulatoire. »  Mais face aux ressources humaines qui se raréfient, il appelle les pouvoirs publics à aller plus loin dans l'innovation organisationnelle et la valorisation de l'exercice libéral. « Les médecins sont aujourd'hui en très grande souffrance, insiste-t-il. Pour attirer les jeunes, il faut inventer autre chose. » Un message qui prend un relief particulier après l'échec des négociations conventionnelles et alors que la profession est dans l'attente du règlement arbitral.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin