C'est un éditorial qui n'a pas plus du tout aux libéraux qui l'ont repéré. Publié le 3 juillet dernier dans « La Dépêche », un texte intitulé « Les déserteurs » a suscité la colère de médecins de ville, en particulier de membres de l'UFML.
Décrivant une scène d'un autre temps, une visite à domicile d'un médecin généraliste de campagne – « minuit va bientôt sonner, le médecin de famille s’en va visiter un autre patient, il ne sera pas payé ce soir » – l'auteur du texte semble regretter cette époque où « le médecin de campagne accomplissait sans barguigner son sacerdoce ».
5 000 euros dans un cadre champêtre
« S’il reste un cabinet médical dans tel village de la Haute Ariège ou du piémont pyrénéen, il n’est accessible qu’aux heures ouvrables. (...) Les déserts médicaux, ce sont d’abord des médecins qui ont déserté les campagnes », tance l'éditorialiste du quotidien régional, qui juge « impératif d’organiser sa réinstallation en milieu rural » et évoque le salariat par la région Occitanie de plus d'une vingtaine de médecins.
« Pourtant, on ne peut pas dire que les jeunes praticiens n’ont pas été encouragés à repeupler les déserts sanitaires (...). Objectivement, il y a de pire situation que de commencer à exercer à 5 000 euros net par mois dans le cadre champêtre d’une vallée du Gers », peut-on lire.
Mission, démission
Et de poursuivre, que « la mission est devenue démission ». « Alors que les urgentistes semblent au bout du rouleau, il faudra que les médecins libéraux, moins sollicités que leurs confrères de l’hôpital dans la lutte contre le Covid, rendent des comptes : obligation de gardes, horaires élargis, visites à domicile, recommande l'auteur du texte. Dans l’immédiat, la Première ministre envisage de revaloriser de 15 euros l’acte de tout généraliste qui accepterait de nouveaux patients. Mais faut-il encore faire de l’argent leur seule source de motivation ? »
Lourd tribut
Repris sur Twitter, ce texte au titre (et au contenu) provocateur a suscité la colère de nombre de médecins, à commencer par le Dr Jérôme Marty, président du syndicat UFML. « Là, je n’ai pas de mots, la moindre des choses quand on fait un éditorial c’est de connaître le sujet. Les généralistes sont ceux qui ont payé le plus lourd tribut au Covid, 73 sont morts d’avoir soigné », recadre le généraliste toulousain.
« Vous avez laissé les déserts s’installer, et vous vous offusquez que ces libéraux qui s’installent tard, dont le conjoint ou la conjointe a souvent une autre profession scientifique ou technique, ne s’installent pas malgré des primes, tempête le Dr Marty, ces libéraux qui ont permis à l’hôpital de tourner pendant leur deuxième et troisième cycle d’étude (...) ces libéraux qui ont largement ainsi payé leurs études, vous voudriez les obliger ces feignasses, qui bossent 55 heures par semaine, qui répondent aux gardes sur 95 % du territoire (...). »
D'autres médecins ont embrayé, regrettant les propos du journal occitan.
Lorsque que le médecin était un moine dévoué, un serviteur au prix de sa famille ou de sa vie... c'est cela que @sebmartidepeche prône : le sacrifice sans hésiter ni chipoter.
— LeDoc ?? / Dʳ Franck Clarot (@Le___Doc) July 3, 2022
"Il semble loin le temps où le médecin de campagne accomplissait sans barguigner son sacerdoce"
Interpellé sur le réseau social, l'auteur du texte n'a pas réagi à ces critiques.
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