L'Île-de-France « premier désert médical » de métropole ? L'URPS pointe une « perte de chance » pour les patients

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Publié le 10/03/2022
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Crédit photo : Phanie

Malgré un vivier de 20 800 médecins libéraux, l'Île-de-France n'est absolument pas épargnée par la désertification médicale. L'URPS médecins libéraux a même tiré la sonnette d'alarme ce mercredi sur la situation « catastrophique » de la région sur le plan médical, aux côtés du président de la métropole du Grand Paris, Patrick Ollier.

Le « zonage » de l'agence régionale de santé (ARS) pour 2022 confirme cette désertification médicale francilienne, assure la Dr Valérie Briole, présidente de l'URPS ML sous l'étiquette UFML-Syndicat. Environ 62 % des habitants de la région se trouvent désormais dans une zone d'intervention prioritaire (ZIP, là où la situation est la plus tendue) et 34 % dans une zone d'action complémentaire. « En sept ans, les zones de désert ont été multipliées par neuf, ce qui fait de l'Île-de-France le premier désert de France métropolitaine, devant la région Centre Val-de-Loire », explique la rhumatologue parisienne.

50 % de libéraux en moins à cinq ans

L'URPS a fait ses calculs : il y a 3 742 praticiens libéraux de moins qu'il y a dix ans dans la région, dont 1 821 médecins généralistes. Les autres spécialités les plus touchées sont la dermatologie (-28 % d'effectifs en dix ans), la gynécologie (-26 %), l'ophtalmologie et la rhumatologie (-22 %). Et cela ne devrait pas s'arranger tout de suite : alors que l'âge moyen de départ à la retraite est de 65,5 ans dans la profession, la moitié des médecins libéraux franciliens ont plus de 60 ans, et un quart plus de 65 ans. D'ici à cinq ans, la région pourrait donc perdre jusqu'à 50 % de son offre libérale.

Malgré ces besoins grandissants, la formation du nombre d'internes a également décroché en dix ans, déplore la présidente de l'Union. Alors qu'en 2010, la région « captait » 20,3 % des postes d'internes (soit 1 505 postes sur 7 400), en 2021 elle n'en a plus que 17 % (1 485 internes sur 8 791). « C'est très alarmant, la région est en danger, avertit la Dr Briole. Des services de garde ferment faute de médecins, des Centres 15 se retrouvent sans régulateurs libéraux dans les départements ! Et chaque médecin qui part laisse environ 1 500 patients sans médecin traitant, il y a donc une perte de chance pour ces derniers. »

Consultation à 50 euros

Face à cette « hémorragie », l'URPS a mis en place une campagne « Aller vers les jeunes médecins » et mène l'enquête depuis janvier pour savoir « où sont les 11 536 médecins diplômés en Île-de-France depuis 2010 ». D'après les premiers résultats, la moitié d'entre eux sont salariés, un quart seulement se sont installés en libéral et 14 % ont quitté l'Île-de-France pour une autre région.

Pour doper les implantations en libéral, l'Union continuera à animer ses permanences locales d'aide à l'installation, qui ont bénéficié à 264 médecins en 2021. Mais elle plaide surtout pour la mise en place de mesures incitatives de « bon sens », comme la suppression des cotisations retraite pour les médecins de plus de 65 ans qui veulent continuer à exercer ou le soutien direct (économique, juridique, immobilier) des cabinets fragilisés par les départs. Il convient aussi de former des « gestionnaires de cabinet » pour faire gagner du temps médical aux médecins et de « déplafonner » le nombre de téléconsultations (limitées à 20 % de l'activité).

Plutôt que des mesures coercitives improductives, la Dr Valérie Briole préfère « élargir les critères des aides financières à l'installation », augmenter le tarif de la consultation à « 50 euros », voire « majorer » temporairement les honoraires des médecins en zones sous-denses. Côté formation, l'URPS réclame l'ouverture de 300 postes d'internes supplémentaires en 2022 et de « 500 lieux de stage libéraux » d'ici à deux ans.

« Je n'avais pas conscience de ces chiffres, a admis Patrick Ollier, pourtant aux premières loges, à la tête du Grand Paris. Ce signal d'alarme doit être entendu. » Estimant qu'il n'y a « pas de temps à perdre », l'ancien ministre s'est engagé « dans les communes où il y a des pénuries de médecins » à financer « des murs de maisons médicales » pour les libéraux qui voudraient s'y installer.


Source : lequotidiendumedecin.fr