LE QUOTIDIEN : Qu’est-ce que le projet Makasi, que vous avez coordonné ?
ANNABEL DESGRÉES DU LOÛ : Le projet Makasi porte sur l’auto-soin et l’empowerment, c’est-à-dire la capacité à agir sur sa santé, et dans ce cas précis sur la santé sexuelle. Nous l’avons mené auprès de la communauté francilienne d’immigrés d’Afrique subsaharienne en situation de précarité, aux côtés des associations Afrique Avenir et Arcat. Ce sont des populations que nous n’arrivons pas à toucher dans les programmes de prophylaxie pré-exposition (Prep). Un des buts de Makasi était d’en analyser la cause en mesurant la connaissance qu’ont ces personnes des moyens de prévention biomédicaux.
Nous avons observé une disparité du savoir autour du VIH. Cette communauté a une bonne connaissance des traitements : près de la moitié des personnes interrogées dans Makasi connaissaient l’existence des antirétroviraux et leur capacité à empêcher la transmission sexuelle du VIH (Tasp pour Treatment as Prevention) chez les personnes infectées avec charge virale indétectable. Mais du côté de la prophylaxie pré-exposition (Prep) ou du traitement post-exposition (TPE), seuls 5 à 6 % en avaient entendu parler, sans distinction de catégorie socioprofessionnelle.
Comment insuffler l’empowerment auprès des personnes précaires ?
L’empowerment a plusieurs dimensions, qui tournent autour du renforcement des connaissances et des compétences. Avec un camion itinérant, l’association Afrique Avenir réalise des sensibilisations aux risques sexuels, met à disposition des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) et informe sur les outils biomédicaux de prévention. Notre projet a comporté une nouvelle intervention : un entretien motivationnel d’empowerment, basé sur l’écoute active par une médiatrice en santé qui orientait ensuite vers un service social ou de santé.
Nous avons démontré les effets qualitatifs de l’empowerment sur le renforcement de l’estime de soi. Cela a mis en lumière l'importance de donner à ces personnes en situation de précarité un espace d'écoute. C’est un levier pour leur redonner un peu de pouvoir sur leur vie. En France, nous disposons d’un panel d’outils sociaux et de santé, mais dont l'accès pour les populations vulnérables est limité. Les interventions menées les amènent à s’en saisir.
Les personnes qui voient leurs pairs s’emparer de leur santé vont être plus enclines à entreprendre une démarche similaire
L’empowerment se propage-t-il au sein d’une communauté ?
Oui, le collectif est une dimension très importante. Pour améliorer sa capacité à agir, il faut s’appuyer sur ses pairs et échanger ses expériences. Les personnes qui en voient d’autres réussir à s’emparer de leur santé vont être plus enclines à entreprendre une démarche similaire.
Nous l’avons aussi observé dans une autre recherche menée avec l’association Ikambere, qui intervient auprès de femmes séropositives, souvent africaines. Le partage entre pairs, sous différentes formes, y est utilisé comme la base du renforcement de la personne.
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