Même si l’on est fils de praticien, ce n’est pas si simple d’entrer dans la profession, se rappelle le Dr Julien Borowczyk, député LaREM (La République en marche) de la 6e circonscription de la Loire et généraliste. « Ce n’était pas gagné d’avance. Petit, je voyais peu mon père à la maison. Quand nous faisions les courses ensemble ou que nous nous promenions pendant les fêtes, il était toujours arrêté et les patients disaient que je ferai le même métier… » Or l’omnipraticien voulait être ingénieur ! Mais une expérience plutôt négative en mathématiques supérieures lui fera reconsidérer la voie médicale, avant de choisir comme spécialité la médecine générale, puis d’exercer aux côtés de son père.
L’étude de la Drees « De faire médecine à faire de la médecine » confirme cette tendance. « Nombre d’enfants de médecins ne se sont pas sentis attirés par la médecine ni en maternelle, ni au collège, ni même au lycée. La médecine est venue parfois au dernier moment, éventuellement en deuxième choix, après un premier mouvement vers une autre filière. Dans ce cas, il semble bien que, contrairement aux étudiants d’origine populaire, ce sont les origines qui rattrapent in fine les individus et les ramènent vers un destin que les parents espéraient sans vouloir l’imposer, et qui avait d’autant plus de chances de se réaliser, c’est-à-dire de franchir l’obstacle du concours de P1, que les atouts scolaires venaient s’ajouter à la position sociale. »
Médecin de famille à l'ancienne
Une fois médecin, le Dr Borowcyk a pu travailler avec son père, alors en fin de carrière. « Les patients nous ont dit qu’on travaillait de la même manière, mais je ne l’avais jamais vu travailler ! La seule différence entre nous, c’est que j’avais moins de présence perpétuelle, car les gardes sont aujourd’hui organisées différemment, puis les cabinets ont été informatisés ».
Décédé en 2013, son père est toujours présent avec lui au cabinet puisqu’il lui a laissé « des annotations dans le coin des fiches patient » sur l’attitude à adopter avec eux, comme « rester attentif avec lui ». Et il lui a laissé quelques méthodes « qu’on n’apprend pas à la faculté, comme : comment enlever un bouchon de cérumen », raconte-t-il, hilare. S’il ne décrit pas de fossé avec son père, c’est notamment parce qu’il se décrit comme un « jeune vieux » ou « vieux jeune », travaillant beaucoup et se considérant médecin de famille « à l’ancienne ».
La vraie fracture générationnelle, c’est celle qu’il observe avec son remplaçant – auquel il fait appel depuis qu’il a été élu député – qui est selon lui « très formel », voire « protocolisé ». Mais l’élu consulte toujours : le lundi matin et le vendredi après-midi car « député, c’est un mandat ».
Faire appel à tous ses sens
Mais tous les praticiens n’ont pas été aussi bien accompagnés par leur figure paternelle. Le Dr Patrick Laine est un jeune retraité médecin de campagne de Saulnot, petit village de 800 habitants de la Haute-Saône. Son père était généraliste, sa mère pédiatre. Il a donc, lui aussi, baigné dans un milieu médical ; mais il raconte ne pas avoir été encouragé à poursuivre la même voie. « Mon père était dubitatif car j’étais un élève très moyen au lycée. Il m’a alerté sur la longueur des études, la sélection et la lourdeur des tâches imposées, mais également sur le caractère exaltant et éprouvant de cette profession. J’ai redoublé ma première année… et, finalement, j’ai été médecin pendant quelque 40 années. »
Au contact de son père, le Dr Laine a pu constater la différence entre l’exercice en ville et à la campagne. « Il a d’abord exercé six ans dans la campagne du Puy-de-Dôme, avant de s’installer à Annecy. Il m’a cédé son cabinet en ville mais je n’en ai pas voulu car, ayant fait des remplacements à la campagne, je ne voulais pas faire de “bobologie”. Quand j’ai racheté le cabinet à Saulnot, en 1982, je faisais des plâtres, des ponctions d’ascite, des électrocardiogrammes, beaucoup de gynécologie… »
À 72 ans, le retraité hyperactif se souvient d’un conseil de son père qu’il a beaucoup utilisé au quotidien. « Il m’a sensibilisé au fait que la pratique clinique doit être la priorité de la médecine. À son époque, il y avait moins de moyens thérapeutiques et biologiques, voire d’imagerie médicale. Il m’a aussi appris que la pratique médicale doit faire appel à tous les sens du médecin, notamment l’audition car elle est riche d’enseignement. Il faut ausculter, mais aussi écouter son patient… sa voix, son timbre, le débit de ses mots… »
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