Démographie médicale

À l'international les régulations à l'installation s'inscrivent dans un panel d'outils, selon une étude

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Publié le 09/12/2021
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Les problèmes de démographie médicale touchent de nombreux pays qui mettent en place tout un panel de mesures pour y remédier. Une nouvelle étude de la Drees dresse un état des lieux de l'efficacité de ces mesures et montre que les incitations financières seules sont loin d'être suffisantes.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Les problématiques d’inégalités d’accès aux soins géographiques sont en train de s’imposer comme l’un des sujets phares côté santé pour la présidentielle 2022. Coercition contre incitation, le débat est ancien mais oppose toujours les élus qui proposent régulièrement des mesures de régulation à l’installation.

Les problèmes de démographie médicale ne sont pas franco-français et impactent beaucoup d’autres pays que ce soit en Europe ou dans le reste du monde. Même si les systèmes de santé et de formation sont différents, la Drees vient donc de sortir une étude qui dresse un état des lieux, à partir de l’analyse de la littérature internationale, des différentes stratégies déployées autour du monde pour résoudre le problème des « déserts médicaux ».

L'origine rurale du médecin, facteur essentiel

Les auteurs de l’étude se sont d’abord intéressés aux déterminants de l’installation dans une zone sous-dense. Et en premier lieu, ce sont des facteurs personnels qui entrent en ligne de compte.

« L’origine rurale du médecin est le facteur essentiel et le meilleur prédicteur de l’installation en zone rurale : être né en milieu rural, y avoir grandi, y avoir fait sa scolarité ressortent, dans tous les pays, comme des déterminants majeurs du choix d’exercer dans cet environnement », explique les auteurs.

À ce titre, la volonté dans les politiques publiques de diversifier l’origine territoriale et sociale des étudiants en médecine peut contribuer à résoudre les problèmes de démographie médicale. Plusieurs mesures, notamment dans le cadre de la réforme du 1er cycle, semblent vouloir aller dans ce sens, avec par exemple l’ouverture de licence santé dans des universités qui n’ont pas d’UFR santé. Mais les auteurs de l’étude estiment qu’en France l’origine territoriale et sociale des étudiants en médecine pourrait être plus diversifiée.

Ils soulignent également que ces mesures « peuvent entrer en contradiction avec les orientations nationales qui poussent fortement les établissements d’enseignement et de recherche, au contraire, à se rapprocher et à concentrer leurs moyens pour améliorer la position de la France dans la compétition internationale ». Les auteurs soulignent également que « des démarches plus proactives pourraient également être développées en direction des élèves du secondaire, à l’instar des initiatives prises par quelques collectivités territoriales ».

Les conditions d'exercice priment sur le revenu

Au-delà des facteurs personnels, les conditions d’exercice représentent également un facteur important de l’installation : la capacité de maîtriser la charge de travail, de ne pas être isolé professionnellement, etc.

« Les enquêtes menées dans tous les pays font apparaître que l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, la maîtrise des horaires et de la charge de travail, les possibilités d’échanges avec des collègues sont des éléments qui pèsent fortement dans les décisions des étudiants et jeunes médecins », détaille la Drees.

Par conséquent, « la politique de promotion des structures d’exercice collectif mise en place en France depuis une dizaine d’années est un pilier majeur de la stratégie d’attractivité des territoires », souligne la Drees, même si elle ajoute qu’il est plus aisé de rejoindre une structure que de la créer.

Le contexte plus général du territoire avec notamment l’accès aux services publics, culturels et récréatifs entrent aussi en ligne de compte, et plus ou moins selon le moment de vie et la situation familiale.

L’influence de la formation, des contenus et des lieux de stage précisément, n’est pas clairement définie et difficile à estimer avec des résultats divers selon les pays.

En revanche, l’aspect financier n’est pas celui qui pèse le plus dans la décision des médecins.

«  En conséquence, influer sur leurs choix par le biais d’incitations financières nécessiterait des augmentations de revenu extrêmement élevées pour compenser des conditions d’exercice considérées comme désavantageuses », précise l’étude.

C’est pourquoi quelles que soient les politiques choisies pour résoudre les problèmes de démographie médicale, un levier seul ne peut pas être actionné, il faut agir sur l’ensemble des conditions d’exercice des médecins.

La régulation efficace dans une certaine mesure

Les mesures déployées à l’international se situent dans quatre grands registres d’intervention : les incitations financières, la formation initiale, la régulation et le soutien professionnel et personnel.

Les incitations financières sont souvent les premières mises en œuvre. Même s’il n’existe pas d’évaluations précises, d’après la revue de la Drees, les mesures mises en œuvre dans un certain nombre de pays n’ont pas eu les résultats escomptés. Elles ne suffisent pas à attirer les médecins en zones sous-dense, ou y contribuent à la marge, et à les faire rester.

« Notamment, les dispositifs de soutien financier aux étudiants en contrepartie d’engagements de service permettent en général d’accroître l’offre à court terme mais avec des résultats discutables à plus long terme », détaille les auteurs.

Former plus de médecins est également un des leviers souvent actionnés, à l’image du desserrement et de la suppression du numerus clausus opéré en France depuis quelques années. Mais là encore les résultats sont contrastés à l’international. Le raisonnement : en formant de plus en plus de médecins, les zones urbaines favorisées finiront par être saturées et iront combler les besoins non couverts dans les zones mal desservies, « est contredit par la réalité des évolutions constatées », note la Drees.

En revanche les exemples internationaux montrent plutôt un impact positif des politiques de régulation à l’installation sur la distribution géographique des médecins (agrégé à un niveau régional en général). Un certain nombre de pays recourent à des régulations comme : des passages dans des zones déficitaires fléchées ou des restrictions à la liberté d’installation.

Mais dans les différents pays où ces régulations ont un impact positif, elles s’inscrivent dans une politique d’ensemble et un contexte spécifique, précise la Drees. Par ailleurs, si la répartition est plus équitable, la régulation n’empêche pas les pénuries locales.

« Une autre question est de savoir si, en tout point du territoire, l’accès au médecin est assuré de façon satisfaisante, et si la régulation des installations permet d’éviter les pénuries dans les zones peu attractives : sur ce plan, la réponse est moins positive », conclut ainsi les auteurs.

Pas de solution miracle mais un panel d'outils

D’autres actions de mesures de soutien aux professionnels sont en place dans différents pays : organisation et financement des remplacements, facilités pour le DPC, action pour la santé et le bien-être des médecins ruraux, etc. Mais leur impact n’est pas évalué. Les auteurs soulignent néanmoins qu’en France l’effort pour proposer des conditions de vie et de travail épanouissantes pourrait être accru.

Globalement les auteurs de l’étude soulignent donc que « l’expérience internationale montre l’efficacité limitée de mesures isolées » et que plusieurs pays se tournent vers des stratégies plus globales qui combinent plusieurs leviers.


Source : lequotidiendumedecin.fr