Ile de La Réunion

Aujourd’hui, c’est déjà demain...

Publié le 11/10/2013
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Ce sont les médecins réunionnais qui ont essuyé les plâtres du tout tiers payant. Le dispositif a été mis en place sur initiative syndicale, avec l’accord de la CPAM locale, en 2001, afin de faciliter l’accès aux soins des plus démunis. La Réunion comprend, en effet, la plus forte proportion de bénéficiaires de la CMU-C de toute la France avec 35 % de la population, contre 6 % dans l’Hexagone. « Les premiers à se porter volontaires ont été les médecins généralistes qui ont été suivis, il y a cinq ans, par les spécialistes », raconte le Dr Alain Duport, généraliste à Saint-Paul et gérant de Télétransmission Santé Réunion (TSR). Bon nombre de médecins libéraux réunionnais sont abonnés à ce service qui leur permet d’envoyer des factures électroniques. Mais deux autres prestataires, Codelis et Sephira, se partagent le marché.

En tout cas, le dispositif paraît relativement simple à utiliser. La feuille de soins électronique est « éclatée » et dispatchée vers tous les régimes obligatoires et complémentaires grâce à des organismes concentrateurs techniques (OCT) qui garantissent la traçabilité de la télétransmission « comme pour les pharmacies » précise le Dr Duport. TSR est relié au concentrateur habituellement utilisé par les officines : Résopharma. Environ 30 secondes après la télétransmission, le médecin reçoit un accusé de réception technique (ART) et, dans un deuxième temps, un « flux de retour » qui témoigne du paiement de la consultation. Un autre service, Résobank, permet des rapprochements bancaires. Les feuilles de soins électroniques rejetées sont mises de côté et seront traitées manuellement. Et, dans certains cas, le paiement peut être retardé, comme l’explique le Dr Duport, parce que « les complémentaires attendent le reçu de la Sécu avant d’effectuer à leur tour le paiement ».

Un système encore largement perfectible

Le généraliste espère que la généralisation du tiers payant en métropole à l’horizon 2017 permettra d’améliorer le service. Car il semble en effet perfectible. Son confrère, le Dr Patrick Bogo était parmi les volontaires de la première heure. Si, le dispositif a permis, reconnaît-il, « d’améliorer l’accès aux soins », des dysfonctionnements persistent. En effet, quand les données inscrites sur la carte Vitale ne sont pas à jour (le patient est en fin de droits ou a changé de mutuelle), le médecin risque de perdre l’argent de la consultation. Et il est d’autant plus difficile de faire valoir ses droits que les paiements sont « opaques ». Envoyés « par lots », il suffit d’un seul impayé pour que l’ensemble soit retardé. Ainsi, le généraliste estime ses pertes à 7 % de son revenu annuel.

Autre conséquence des dysfonctionnements : le temps passé par sa secrétaire à vérifier les retours et lister les impayés a plus que doublé. Que faire ? Selon le Dr Bogo « il faudrait que les pouvoirs publics rendent le paiement fiable ». Autrement dit : la Sécu pourrait solvabiliser le médecin en payant l’intégralité de la consultation. À charge pour elle, ensuite, de se faire rembourser par les organismes complémentaires.

Les pouvoirs publics seraient bien inspirés de tirer les leçons du laboratoire réunionais avant de l’exporter en métropole. Pas très satisfait du système tel qu’il existe aujourd’hui à La Réunion, le Dr Bogo reviendrait, en effet, volontiers en arrière, mais la crise a rongé le pouvoir d’achat des habitants de l’île. « Même aujourd’hui, déplore-t-il, les gens qui n’ont pas de mutuelle ne viennent que quand leur état s’est aggravé. »


Source : lequotidiendumedecin.fr