Plusieurs amendements, portés par des députés de la majorité ou par le gouvernement, prévoient de nouveaux transferts de compétences. Quels sont leurs objectifs ?
Thomas Mesnier : Avant tout chose, il ne s’agit pas de transférer des compétences mais bel et bien de les partager. C’est-à-dire que rien n’est enlevé aux médecins généralistes. C’est une question de sémantique mais je pense que c’est important de le préciser. Concernant l’amendement sur les infirmiers en pratique avancée (IPA), l’idée est de leur ouvrir, par voie d’expérimentation, la primoprescription pour certains médicaments. Le gouvernement mise énormément sur la formation des IPA et sur leur développement au sein du territoire pour désengorger la liste d’attente des médecins généralistes et améliorer les soins au quotidien. S’agissant de l’amendement qui prévoit un accès direct chez les orthophonistes, l’objectif est d’évaluer si cette mesure leur permet d’être plus efficaces. En raison des nombreuses prescriptions, les files d’attente sont parfois très longues. Pourtant, certains problèmes, quand ils sont pris en charge tôt, pourraient être réglés en quelques séances. Concernant l’amendement qui autorise un accès direct aux kinésithérapeutes, c’est une mesure que je défends depuis 2018. Il n’est pas entendable de constater qu’aujourd’hui encore, on soit obligés de se rendre aux urgences pour une entorse à la cheville. Évidemment, que ce soit pour les kinés ou les orthophonistes, il faudra que les textes réglementaires ciblent bien les motifs de consultation qui seront admissibles en accès direct. Il sera aussi essentiel de déterminer comment le lien se fait avec le médecin généraliste.
Les syndicats de médecins libéraux estiment ne pas avoir été concertés dans l’élaboration de ces amendements…
T. M. : À titre personnel, je n’ai pas porté d’amendement. Lorsque c’est le cas, j’en discute avec les différents représentants de la profession. Sur le sujet des kinés, ce n’était pas une surprise, cela faisait déjà plusieurs années qu’on en parlait. Concernant les IPA, c’était aussi sur les rails. Cette mesure était inscrite dans les conclusions du Ségur de la santé.
Selon vous, le « partage de compétences » est-il une solution durable pour répondre à la crise de la démographie médicale ?
T. M. : En tout cas, à date et en attentant que certaines mesures mises en œuvre fassent effet, oui ! La suppression du numerus clausus et l’augmentation des capacités de formations actée pendant ce quinquennat vont permettre de former davantage de professionnels de santé. Mais, quoi qu’il arrive, nous allons devoir repenser notre système de soins. La population est de plus en plus nombreuse et vieillit de plus en plus longtemps. La demande de soins va donc croître dans les années à venir. Pour répondre à ces besoins, nous allons devoir dégager du temps médical aux médecins. Le partage de compétences et l’exercice coordonné sont des leviers d’action puissants pour parvenir à cet objectif. Aujourd’hui, les médecins ne peuvent pas répondre à tout. Les demandes de consultation représentent parfois un véritable goulot d’étranglement pour eux. Certains motifs de consultation pourraient pourtant se régler directement avec l’infirmier, le kiné, la sage-femme ou encore le pharmacien. Le tout en réseau coordonné avec le médecin traitant, bien sûr !
Comment voyez-vous la place du médecin généraliste évoluer à l’horizon 2030 ?
T. M. : Je suis absolument convaincu que le médecin généraliste doit rester le pilier des soins primaires et le référent du parcours de soins. Du fait de l’exercice coordonné qui se développe et des nouvelles professions telles que les IPA et les assistants médicaux qui voient le jour, il est très probable que la balance s’équilibre. Progressivement, la coordination en équipe autour du patient va se construire entre le médecin généraliste et les autres professionnels de santé. Évidemment, tout ça doit se discuter avec les représentants de la profession et ceux du terrain pour construire, ensemble, des propositions concrètes pour l’avenir.
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