L’implication spectaculaire des praticiens pour la santé planétaire s’inscrit dans un mouvement né pendant la révolution industrielle, il y a un siècle et demi, estime le Pr Vincent Barras, médecin et historien de la médecine, qui enseigne à l’université de Lausanne.
De plus en plus de médecins s’engagent dans une démarche écoresponsable. Quel regard portez-vous sur ce mouvement ?
Pr Vincent Barras : Cette préoccupation n’émerge pas seulement aujourd’hui, elle date de 150 ans ! Pendant la révolution industrielle et l’urbanisation, les médecins ont perçu que l’environnement, avec par exemple les épidémies et les fumées, pouvait être dangereux pour la santé humaine. Les Grecs anciens évoquaient déjà le rapport des hommes à leur environnement, c’est de là que vient le mot hygiène (« bon pour la santé »). Avec l’émergence des États nations, on a assisté à une rupture. La médecine a alors été un outil au service de la nation, devant conserver en bonne santé ses forces productives.
Le mouvement auquel on assiste ces dernières années semble puissant ?
Pr V. B. : Oui, c’est la première fois dans l’histoire qu’on assiste à un engagement aussi massif du corps médical. Il s’agit d’une réelle prise de conscience collective des problèmes en lien avec le dérèglement climatique. Ce qui est inédit, c’est la politisation de ce mouvement qui gagne du terrain et en visibilité. Beaucoup de médecins font entendre leur voix dans des think tanks, des associations. Certains s’engagent même dans des mouvements activistes comme Extinction Rebellion. Des médecins prennent en compte l’urgence de ces questions et proposent des programmes de recherche sur la santé environnementale, sur les conséquences du réchauffement climatique sur la santé ou l’organisation des soins.
Le Covid semble avoir accéléré cette réflexion ?
Pr V. B. : Les réflexions avaient gagné du terrain avec les multiples rapports du GIEC mais l’épidémie a mis en lumière beaucoup de faiblesses du système de santé et en particulier du système hospitalier. Quelle que soit son origine, le Covid n’est pas arrivé par hasard. La crise sanitaire traduit un effondrement de notre environnement et accélère le changement de rapports entre l’humain et la nature.
Quel peut être l’impact de l’engagement des médecins en faveur de la santé environnementale ?
Pr V. B. : Vu leur position sociale, culturelle et politique, les médecins peuvent être un levier d’actions et le cabinet médical être un bon endroit à partir duquel penser des changements sociétaux. Les médecins peuvent être prescripteurs de bonnes habitudes. L’espoir est que le système de santé mette enfin en avant la prévention, inscrite dans la culture médicale, mais qui peine à être déployée.
PROPOSITION D’EXERGUE : « Beaucoup de médecins font entendre leur voix dans des think tanks, des associations, voire des mouvements activistes. »
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