« Une crise majeure. » Voilà comment Isabelle Derrendinger, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, décrit la situation démographique de la profession. « Nous avons plus de 3 000 sages-femmes qui n’exercent pas alors qu’elles sont en âge d’exercer, nous avons une augmentation des radiations de 112 % depuis le 1er janvier 2022 et, fait inédit, depuis la dernière rentrée, les écoles de sages-femmes ne font pas le plein : il y a 20 % de places vacantes au niveau national, et 34 % en Île-de-France », énumère-t-elle.
Des compétences médicales
Voilà qui n’empêche pas la maïeuticienne de réclamer, non pas de nouvelles compétences, mais ce qu’elle estime être le plein exercice des compétences actuelles de la profession qui sont, tient-elle à souligner, médicales et non paramédicales : possibilité de prescrire des arrêts de travail en dehors des limites actuellement imposées par la loi, fin des restrictions à la liste des médicaments autorisés aux sages-femmes… Et ce, en plus des élargissements récemment acquis en matière de vaccination ou d’orthogénie, notamment.
Comment la première représentante de la profession estime-t-elle possible de concilier ces visées ambitieuses avec la situation de crise démographique qu’elle décrit ? La réponse tient selon elle en un mot : attractivité. « Ce que nous voulons, c’est une reconnaissance statutaire et financière de nos compétences, martèle-t-elle. Il y a un cercle vicieux qui s’est mis en place : notre exercice quotidien est sans cesse dévalorisé, invisibilisé, et donc beaucoup de sages-femmes quittent simplement le métier. »
Malgré ce tableau relativement sombre, la profession entrevoit quelques lueurs d’espoir, notamment sur le front de la formation. « La sixième année d’études, qui va prochainement entrer en vigueur, permettra de réformer la maquette, d’alléger les programmes, ce qui aura un impact positif sur l’attractivité de la profession », estime Loona Mourenas, porte-parole de l’Association nationale des étudiants sages-femmes (Anesf).
Une motivation à rude épreuve
Celle-ci rappelle que le cursus de maïeutique présente actuellement un volume horaire comparable à celui des pharmaciens ou des dentistes mais avec une année de moins, ce qui rend le cursus particulièrement intense. « Si on améliore le bien-être des étudiants, leur encadrement en stage, on aura des sages-femmes qui termineront leur formation moins épuisées, ce qui favorisera leur insertion professionnelle et leur maintien dans la profession », veut croire la jeune femme. Qui admet cependant que le passage du cercle vicieux de la crise démographique au cercle vertueux de l’attractivité ne se fera pas en un jour… Et qu’il ne constitue qu’une partie de la solution. « Il y a la revalorisation financière, celle du statut, l’intégration universitaire… », énumère-t-elle. De nombreux chantiers en perspective !
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