Les utilisateurs et prescripteurs de Baclofène, rassemblés par le collectif Baclohelp vont déposer des recours devant le tribunal administratif de Montreuil contre la décision controversée de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En juillet dernier, et à la suite de signaux d'alerte d'une étude de pharmacovigilance, l'agence a limité à 80 mg par jour la dose maximum de Baclofène prescrite dans le cade de la RTU aux patients alcoolodépendants, une décision qui avait déclenché un intense débat.
L'agence avait jusqu'au 28 novembre pour répondre au recours gracieux déposé par le collectif BACLOHELP, rejoint par l'association AUBES et l'association de médecins RESAB. Les 3 associations demandaient à l'agence de revenir sur sa décision, dans une lettre également adressée au ministère de la Santé.
L'ANSM n'ayant pas donné suite, deux actions vont maintenant être enclenchées cette semaine, à commencer par un recours en annulation déposé devant le tribunal administratif de Montreuil. La seconde action est une demande de référé suspension, c’est-à-dire une demande de suspension temporaire de la décision administrative de l'ANSM par le tribunal administratif, le temps que le recours en annulation soit examiné.
Une « erreur manifeste d'appréciation »
Les associations comptent démontrer l'existence d'une « erreur manifeste d’appréciation du risque » de la part de l'agence, qui n'aurait pas tenu compte de la jurisprudence du 12 avril 2013 « Association coordination interrégionale stop THT ». Le Conseil d'État a estimé qu'il appartient au juge de vérifier que l'application du principe de précaution est justifiée, et de s'assurer de la réalité des procédures d'évaluation du risque mises en œuvre. Ce principe ne s'est appliqué jusqu'à maintenant qu'en matière environnementale.
En revanche, dans une autre jurisprudence Menarini France contre AFSSAPS (7 juillet 2010), le Conseil d’État précise qu'une telle décision doit se fonder, non sur le risque, mais sur l'évaluation du rapport bénéfice-risque dans les conditions normales d'emploi du médicament. « Seule la présence d'indices sérieux et concluants d'un risque grave pour la santé des patients pouvait permettre de déroger à l'évaluation du rapport bénéfice-risque », selon Thomas Maës-Martin, coordinateur du collectif BACLOHELP.
Les plaignants jugent également que l'ANSM fait preuve d'une méconnaissance des principes généraux du principe de précaution, définis par la commission européenne.
12 universitaires à la barre
Le volet scientifique de la plainte est nourri par les attaques de 12 universitaires qui contestent la méthodologie de l'étude conjointe de l'ANSM/Assurance maladie/INSERM. Dans un texte adressé au « Quotidien » le Pr Bernard Granger (responsable de l'unité psychiatrie adultes du pavillon Tarnier de l'hôpital Cochin) et l'épidémiologiste Catherine Hill mènent la charge, et estiment que « prendre une décision réglementaire sur une base aussi faible semble difficilement acceptable ».
« Quand on regarde les données de toxicité, et l’incidence standardisée des événements pour le sexe et l’âge, on ne voit pas de différence entre les deux groupes, ajoute le Pr Granger. Cette étude est biaisée dans l’analyse des résultats et manifeste un a priori négatif contre le Baclofène. De plus, l'ANSM ne prend pas en compte la gravité de la maladie alcoolique, alors qu’elle est tenue d’apprécier la balance bénéfice-risque. »
Le Pr Granger insiste sur le fait « qu'en moyenne il faut entre 150 et 180 mg de baclofène par jour pour obtenir un résultat favorable. On n’a jamais caché que le baclofène a des effets indésirables, que le médecin doit évidemment prendre en compte dans la conduite du traitement. De façon profondément choquante, l’ANSM fait preuve de désinvolture et adopte une attitude stigmatisante à l’égard des patients dépendants de l’alcool », s'indigne-t-il.
Contactée par le « Quotidien », l'ANSM n'a pas été pas en mesure de communiquer sur cette procédure judiciaire.
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