Sur les 13 millions de fumeurs que compte la France, « 8 millions ont besoin d'un traitement, faute de quoi un sur deux décédera à cause du tabac, indique le Pr Bertrand Dautzenberg, tabacologue à l'Institut Arthur Vernes, à Paris. 4 millions de personnes peuvent donc être sauvées par les médecins généralistes et il existe des traitements efficaces pour cela ».
Selon le pneumologue, « la dépendance physique à la nicotine est beaucoup plus forte qu'il y a 30 ans car la plupart des fumeurs actuels ont commencé à fumer à l'adolescence, lorsque la plasticité cérébrale est forte, provoquant ainsi la prolifération de récepteurs nicotiniques et une très forte dépendance à la nicotine ».
Chez les personnes dépendantes à la nicotine, chaque cigarette induit une augmentation du nombre de ces récepteurs nicotiniques dans les noyaux gris de la base du crâne, et leur corps, en hyponicotinémie, exige de fumer dès le réveil. « Or, cette partie du cerveau n'est pas sous le contrôle de la volonté », précise le médecin qui ajoute : « il est donc contre-productif d'expliquer aux fumeurs qu'il faut de la volonté pour arrêter de fumer alors qu'ils sont victimes d'une maladie principalement physique ».
La bonne dose de substitution
« Chez un fumeur qui ne fume pas tous les jours dans l’heure qui suit le lever, la prise en charge comportementale est à mettre au premier plan », indique Pr Dautzenberg. Chez un fumeur dépendant, en revanche, qu'il soit motivé ou non pour arrêter de fumer, le tabacologue recommande « d’éviter tout épisode d’hyponicotinémie en assurant la saturation des récepteurs nicotiniques par de la nicotine non-fumée (substituts nicotiniques, varénicline ou vape) ». Pour ce faire, « on débute par une dose un peu inférieure à la dose nécessaire estimée tout en demandant au fumeur de ne faire aucun effort pour fumer moins la première semaine, indique le médecin. La dose est ensuite augmentée chaque jour si plus de 5 cigarettes sont fumées par jour et les derniers ajustements se font avec les formes orales », ajoute-t-il. Cette substitution doit être présentée comme un premier pas vers l'arrêt aux fumeurs motivés, et comme un outil pour diminuer la consommation et réduire les risques de rechute aux fumeurs non motivés. « Ce n’est qu’après une semaine ou deux, quand plus une cigarette n’est bonne jusqu’au bout, que l’on mettra en route les techniques comportementales », précise le tabacologue.
Supprimer les dernières cigarettes
Pour les patients qui fument encore malgré la saturation nicotinique, « il faut analyser pourquoi ils fument, indique le médecin. Mais il n’est pas cohérent d’exiger un effort pour ne pas fumer alors que le patient est en hyponicotinémie et qu’il fume par besoin viscéral », insiste le pneumologue. « Les fumeurs sont les victimes de l'industrie du tabac, souvent depuis l’adolescence ; il faut les traiter avec respect et non les considérer comme des coupables sans volonté, ajoute-t-il. Bien substitué, l'arrêt du tabac doit être un plaisir et ne pas s'accompagner de syndrome de manque, comme la nervosité ou une prise de poids », conclut le Pr Dautzenberg.
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