Ce n'est qu'à partir de 10 % que la hausse du prix du tabac est un réel frein à la consommation. « En reprenant les trois hausses supérieures à ce seuil qui ont eu lieu depuis l’an 2000, on constate chaque fois une diminution moyenne des ventes de l’ordre de 8 %. C’est autant de fumeurs en moins », souligne le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). En janvier, une légère augmentation des prix du tabac avait déjà infléchi les ventes. La baisse de consommation attendue avec la hausse des prix prévue en mars est mathématiquement bien plus importante.
« Le grand champion des fausses augmentations – 3 à 5 % – reste Nicolas Sarkozy, rappelle le Pr Dautzenberg. En dessous de 5 %, les hausses n’ont absolument aucun effet sur la consommation, et nous avons clairement constaté cet échec lors du plan cancer II. C’est une erreur à ne pas reproduire, et le gouvernement actuel semble l’avoir compris. »
Une marginalisation fragile du tabagisme
« Dans les collèges et lycées, la cigarette passe de mode, et c’est vraiment bon signe. Pourtant, les lobbies restent à l’œuvre, tentant de maintenir une norme sociale de consommation, parfois relayés par les politiques », explique le Pr Dautzenberg. Affirmer que boire de l’alcool à chaque repas ou fumer sont la norme sociale est l’un des éléments de ces tentatives.
Le tabac a longtemps joué un rôle dans l’inconscient collectif à cause des campagnes des industriels. Les révélations des agissements de l’industrie sur la composition des fumées, leurs effets sur la santé et l’expérimentation du bonheur de vivre dans des lieux “non-fumeurs” viennent altérer l’image de la cigarette, notamment auprès des jeunes. « Mais l’industrie du tabac n’est jamais à court d’idées. Alors qu'elle a délocalisé sa production dans des pays à très faibles salaires, en France ce sont les buralistes qui sont en première ligne pour ce lobby. Il reste une vraie menace », prévient le Pr Dautzenberg.
Le mirage des innovations design
Nouveauté apparue le 2017, les tabacs chauffés sont présentés comme moins nocifs pour la santé. « En réalité, ils sont destinés à contrer les cigarettes électroniques et à faire face à la baisse des ventes de paquets », explique le Pr Dautzenberg. Ces dispositifs, dont le design se rapproche, curieusement, de celui des téléphones de la marque à la pomme, sont faits pour séduire. « Cela ressemble à une vapoteuse, mais il y a une immense différence : le tabac n’a pas disparu, souligne-t-il. Tout indique que la fumée dégagée est toxique, même si elle l’est peut-être moins que la fumée de cigarette. Et il ne s’agit pas de vapeur, comme l’affirment les commerciaux, mais bien de fumée. Ce produit, qualifié de pionnier par les industriels, n'est ni plus ni moins qu'un trompe-l’œil. »
Une étude italienne a montré que 45 % des personnes qui l’utilisaient étaient à la originellement des non-fumeurs, une autre, japonaise, donne 20 %. « Les non-fumeurs, par un phénomène de mode, découvrent à leur tour la nicotine, tandis que la plupart des fumeurs qui l’essaient n’arrêtent pas la cigarette », résume le Pr Dautzenberg.
Entretien avec le Pr Bertrand Dautzenberg
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