C’EST L’HISTOIRE de Léa, 15 ans et demi, fille de deux médecins de Metz. Après avoir bravé l’interdit parental, Léa, élève d’un lycée très réputé de la ville, se rend dans une soirée organisée par une association étudiante de la section prépa de l’établissement. Jusqu’alors rien de dramatique, si ce n’est que la soirée étudiante se déroule dans une discothèque où l’accès aux boissons alcoolisées est aisé et surtout sans restriction. Résultat, les parents sont alertés en pleine nuit par une amie de leur fille. En état d’ébriété très avancée, Léa a été expulsée de la boîte de nuit. « Elle est tombée en coma éthylique sur un trottoir du parking de la discothèque et a bien failli mourir », témoigne la mère. « Le cas de ma fille n’est pas isolé », insiste cette généraliste, qui a alerté « le Quotidien ».
Le Dr Michel Aussedat, directeur médical du SAMU 57 à l’hôpital Bon-Secours de Metz voit chaque année passer une dizaine de cas de coma éthylique chez des mineurs de 15 ans. Ces comas surviennent beaucoup plus régulièrement à partir de 20 ans, indique-t-il. Citant des chiffres du ministère de la Santé, le Dr Alain Rigaud, président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) fait remarquer qu’entre 2004 et 2007, les hospitalisations pour intoxication éthylique aiguë ont augmenté de 40 % chez les 16-25 ans et de 50 % pour les moins de 15 ans. « Les hospitalisations aux urgences ne sont que la pointe de la pyramide. On peut penser que l’ensemble des ivresses a également progressé chez les jeunes », considère le président de l’ANPAA.
Les conséquences de ces états d’ébriété réguliers sont connues : chutes plus ou moins graves, accidents de la circulation, atteintes neurologiques mais aussi perte de contrôle de la personne, qui facilite le passage à l’acte de violences envers soi-même et les autres. Il n’est pas non plus rare qu’une soirée très arrosée trouve son épilogue dans des consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) du VIH. « Il y a de nombreuses consultations en raison de prises de risques sexuels suite à des alcoolisations. Les personnes étant totalement désinhibées et ne se rappelant plus très bien avec qui ils étaient, ni ce qu’ils ont fait… Sans préservatif. Il y a aussi des prises en charge suite à des plaintes pour viol survenant dans des contextes festifs », indique le Dr Laurence Boyer, praticien au service maladies infectieuses du CHU de Nancy. « Il s’agit essentiellement de jeunes étudiants majeurs, mais nous prenons également en charge des mineurs », précise le Dr Boyer.
Absence de garde-fous
Souhaitant que le cas de sa fille ne reste pas sans lendemain, la mère a déposé fin février une plainte au tribunal de police. L’audience est programmée pour le mois de juin. Si une législation existe en matière de prévention de l’alcoolisation des mineurs, la généraliste dénonce l’absence de garde-fous sur le terrain. « La loi existe mais nous n’avons pas la connaissance de quelconque contrôle. Nous demeurons interrogatifs quant à l’efficacité de la loi sur l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs », déclare le Dr Rigaud. Pour le président de l’ANPAA, la généralisation de la pratique du testing sur les lieux de vente d’alcool doit contribuer à faire respecter la législation sur le terrain. « Le testing a des fonctions pédagogiques et offre des moyens d’action en justice », poursuit-il. Dans un rapport remis fin février à la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, Martine Daoust, recteur à l’académie de Poitiers soutient notamment ce type de pratique pour limiter les abus dans les soirées étudiantes.
Ces testings, l’association Avenir Santé en réalise régulièrement depuis quelques années dans des bars et discothèques. « Nous constatons de fortes disparités. D’un côté, il y a des établissements exemplaires, qui forment les videurs, les barmans, qui mettent en place des partenariats avec des sociétés de taxi pour ramener les jeunes chez eux. De l’autre, il y a des établissements qui se moquent de la législation et poussent au contraire à la consommation d’alcool », souligne Renaud Bouthier, président d’Avenir Santé. Le 8 avril, un groupe de sénateurs a déposé une proposition de loi visant à encadrer les soirées étudiantes. « Un vide juridique demeure pour les manifestations festives organisées notamment dans des lieux privés », soulignent les sénateurs qui souhaitent dès lors impliquer les pouvoirs locaux (préfets, maires) pour responsabiliser les organisateurs d’événements.
Reste aussi à responsabiliser les alcooliers. Pour le Pr Gérard Dubois, président d’Alliance prévention alcool, l’autorisation dans la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) de la publicité de l’alcool sur Internet constitue « une mesure totalement contraire aux objectifs de santé publique ». Là encore, l’interdit de publicité de produits alcooliques à destination des mineurs, bien qu’inscrit dans la loi, reste dans les faits plus que théorique. « Depuis la fin 2010, les alcooliers investissent clairement la toile avec des publicités extrêmement nombreuses sur des sites de sorties et de musique très fréquentés des jeunes », constate Renaud Bouthier.
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