Trois grands thèmes sont déclinés dans « Ma santé 2 022 » : favoriser la qualité et replacer le patient au cœur du soin, créer un collectif de soins au service des patients et, enfin, adapter les métiers et les formations aux enjeux de la santé de demain. Pour Agnès Buzyn, Ministre de la santé, « la philosophie de la réforme est structurelle et non pas catégorielle : il s’agit d’apporter une nouvelle vision du système de santé ».
« Le plan santé 2 022 est certes ambitieux et généreux mais il ne met, en aucun cas, en avant les difficultés actuelles que connaissent les hôpitaux qui investissent dans la recherche. Comme s’ils n’existaient pas. Ce plan est très orienté vers la médecine de ville, vers les interconnexions entre les systèmes de santé, sur la prévention, ce qui est très généreux. Mais comment un hôpital comme l’Institut Curie pourrait-il survivre dans les années qui viennent si aucune mesure assurant sa pérennité n’est prise ? Autre élément : la cancérologie, pourtant un grand problème de santé publique, n’est absolument pas évoquée dans cette réforme », regrette le Pr Pierre Fumoleau, Directeur de l’ensemble hospitaliser de l’Institut Curie.
Le Dr Alain Toledano, Cancérologue Radiothérapeute, président de l'Institut Rafael estime, de son côté, que « les plans cancer ont longtemps cristallisé une grande partie de l’organisation des systèmes de soin. Les autres disciplines se sentaient écartées à juste titre. Avec la mise en œuvre des plans cancers précédents, nous pouvons couvrir un large spectre des traitements dans ce domaine et nous appuyer sur l’InCa. Nous sommes bien engagés dans la qualité. Et il me semble qu’en extrapolant, les mesures phares du plan 2 022 devraient bénéficier à l’oncologie comme aux autres pathologies. En outre, nous sommes des médecins avant d’être des cancérologues. »
Forfaitisation de pathologies chroniques
Autre nouveauté : dès 2019, la prise en charge hospitalière de certaines pathologies chroniques, en premier lieu le diabète et l’insuffisance rénale, fera l’objet d’une forfaitisation, et non plus d’un paiement à l’acte. Mais, pour l’heure, la cancérologie n’est pas concernée.
« Il me paraît judicieux de commencer par des modèles plus simples pour mieux évaluer une pathologie via des indicateurs, avant d’entrer dans la complexité du traitement des cancers : plateaux techniques, chirurgie, robots, IRM, radiothérapie, imagerie, chimiothérapie… tout un panel dont les coûts divergent et les financements sont complexes », estime le docteur Alain Toledano. Il est toutefois probable que dans quelques années, ce système de forfaitisation se généralise au cancer. « Pour une pleine réussite et ne pas dégrader la qualité des soins, il vaudra cependant mieux obtenir une bonne concertation préalable » , précise-t-il.
Proximité alliée aux soins spécialisés
Trois échelons seront instaurés pour une vraie adaptation des soins : hôpitaux de proximité, nouvelle labellisation (médecine, gériatrie, réadaptation…), soins spécialisés (chirurgie, maternité…) et ultra-spécialisés ou plateaux techniques de pointe (greffe, maladies rares…). Le but est de créer de véritables parcours de soins liant la proximité et les spécialités, d'établir un pont solide entre la ville et l’hôpital, en préservant la qualité de vie des patients qui restent près de leur domicile et de leurs proches.
L’innovation, parent pauvre de la réforme
La réforme ne recèle toutefois que peu d’éléments sur la nécessité d’innover. « Or en cancérologie, les traitements d’aujourd’hui sont issus des découvertes des années précédentes. Inversement, les nouvelles prises en charge résultent de l’innovation actuelle, issue de la recherche clinique et fondamentale », relève le Directeur de l’Institut Curie, déçu.
C'est comme si la santé s’arrêtait à des interconnexions entre les systèmes de santé et qu'il suffisait de déplacer la médecine de l’hôpital vers la ville, mais la médecine de ville ne pourra pas remplacer l’innovation en cancérologie. « Cette dernière est pourtant, pour nous, la clé de voute des centres de lutte contre le cancer comme l’Institut Curie. Développer un cheminement en parcours de soin, en particulier pour les thérapeutiques orales impliquant le généraliste, des infirmières à domicile, s’avère très positif s’il s’accompagne d’une refonte complète de la prise en charge à l’hôpital et de la création de postes d’infirmières. Pour autant, nous n’en avons pas les possibilités financières », ajoute-t-il.
Pour résumer, « c’est une bonne feuille de route avec une vision, des mesures pratiques, des financements, de nouveaux métiers, les patients mis au cœur du plan, une homogénéisation du statut des praticiens hospitaliers (PH), sans oublier les étudiants, avec la suppression du numerus clausus et des épreuves classantes nationales. Il n’en reste pas moins désormais à entrer dans le détail pour accompagner, réaliser, rendre possible la pérennité de chaque mesure », détaille le Dr Toledano.
D'après des entretiens avec le Pr Pierre Fumoleau, Directeur de l’ensemble hospitaliser de l’Institut Curie et du Dr Alain Toledano, Cancérologue Radiothérapeute, président de l'Institut Rafael.
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