« Aujourd’hui, il existe une très grande diversité dans l’organisation de la prise en charge des patients atteints de cancer. Il y a presque autant d’organisations que de structures de traitement du cancer », souligne le Pr Serge Uzan, directeur de l’Institut universitaire de cancérologie (IUC) Pierre et Marie Curie et doyen de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie. « Mais un des grands mérites du Plan cancer III est de préciser un certain nombre d’éléments du parcours de soins communs à tous les patients : quelque que soit la structure où il est soigné, un patient devra pouvoir avoir droit, à l’avenir, à un dispositif d’annonce (DA), une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), une prise en charge par des professionnels accrédités, un programme personnalisé de soins (PPS) et un programme personnalisé de l’après-cancer (PPAC) », ajoute le Pr Uzan, en insistant sur un point. « Il est important d’être conscient que, désormais, le patient est devenu un acteur à part entière de sa prise en charge, ce qui rend indispensable un dialogue loyal entre lui et les équipes soignantes. Il est également important que le patient puisse avoir accès à une équipe qui va assurer la totalité de sa prise en charge. Il n’est pas souhaitable de continuer à voir certaines équipes qui prennent le patient pour un acte et estiment ensuite que leur travail est terminé. Il faut donc organiser les filières de soins et leur continuité ».
Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs s’interrogent sur le modèle le plus performant pour la prise en charge des patients atteints de cancer : s’agit-il du modèle des centres de lutte contre le cancer (CLCC) ou celui des CHU ? « Je crois que la meilleure des choses à faire est de combiner les deux, en essayant de faire une synthèse entre l’expertise des CLCC et la diversité liée à des prises en charge multidisciplinaires que peuvent offrir les CHU pour l’organisation des parcours de soins », indique le Pr Uzan.
C’est en s’appuyant sur cette logique que le Pr Uzan a remis en mai dernier à Martin Hirsch son rapport sur le « Plan cancer 3 à l’APHP ». Ce document fait un certain nombre de propositions pour mieux coordonner les soins au sein de l’APHP qui, chaque année, traite près de 50 000 patients atteints de cancer, dont près de 32 000 nouveaux cas. « L’objectif est de créer quatre grands centres cancers qui regrouperont des structures labellisées expertes. « L’IUC Pierre et Marie Curie, qui existe déjà, est une des structures les plus avancées et aura vocation à devenir, avec le Groupe hospitalier Henri Mondor, le centre "Paris Est". Les trois autres centres (Nord, Centre-Ouest et Sud-Ouest) sont en cours de constitution », indique le Pr Uzan, en précisant qu’à terme, chaque centre aura une file active de plus de 10 000 patients par an.
Pour donner une idée du modèle qui sera privilégié, le Pr Uzan prend l’exemple de l’IUC Pierre et Marie Curie. « Il permet de regrouper au sein d’une même macrostructure, quatre structures labellisées et expertes : les hôpitaux de Tenon, Saint-Antoine, Trousseau, Rothschild, Pitié-Salpêtrière et Charles Foix. Chacun de ces sites peut avoir une expertise particulière selon les cancers. Par exemple, il y a une localisation pour le cancer du sein à Tenon et à la Pitié et une localisation pour les cancers digestifs à Saint-Antoine et à la Pitié. Pour les cancers thoraciques, il n’y a qu’une seule localisation (Tenon), tout comme pour la thyroïde (Pitié) », détaille le Pr Uzan, en ajoutant que ces quatre sites seront regroupés dans une structure fédérative avec une gouvernance unique, chargée d’assurer la coordination des réponses aux appels à projet, de la recherche, de l’enseignement et du contrôle qualité.
« L’intérêt est de pouvoir produire ensemble un certain niveau d’excellence en atteignant une masse critique aujourd’hui indispensable pour la prise en charge des patients atteints de cancer. C’est elle qui va, par exemple, nous permettre de constituer des grandes cohortes de patients pour la recherche clinique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’IUC Pierre et Marie Curie est aujourd’hui leader sur les PHRC cancer », indique le Pr Uzan, convaincu que la France doit se doter de ces grands centres fédératifs pour pouvoir garder son rang sur la scène européenne du cancer.
Entretien avec le Pr Serge Uzan, directeur de l’Institut universitaire de cancérologie (IUC) et doyen de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie.
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