Les cancers du larynx et de l'ovaire, provoqués par l'inhalation de poussières d'amiante, sont reconnus en maladies professionnelles, ce qui ouvre la voie à une indemnisation simplifiée des malades, ainsi qu'à une meilleure (re)connaissance de la part du corps médical.
Le décret daté du 14 octobre 2023, publié au Journal officiel le 15, « crée pour le régime général de la Sécurité sociale le tableau des maladies professionnelles n° 30 ter, relatif aux cancers du larynx et de l’ovaire provoqués par l’inhalation de poussières d’amiante », lit-on. Sont concernés le cancer primitif du larynx et la dysplasie primitive de haut grade du larynx, ainsi que le cancer primitif de l’ovaire à localisation ovarienne, séreuse tubaire et séreuse péritonéale. Le décret liste, en outre, les travaux susceptibles de provoquer ces pathologies.
Cette reconnaissance permettra aux travailleurs concernés par cette exposition et atteints de cancers du larynx ou de l'ovaire « de bénéficier de meilleures possibilités d’indemnisation et d’accompagnement », salue l'Association des accidentés de la vie (Fnath). « Les travailleurs éligibles peuvent se rapprocher de leur caisse primaire d'assurance maladie pour déposer une demande d’indemnisation et obtenir une reconnaissance de leur pathologie en maladie d’origine professionnelle », ajoute le décret. Le délai de prise en charge (temps maximum écoulé depuis la fin de l'exposition) est de 35 ans, sous réserve d'une durée d'exposition minimale de 5 ans, est-il précisé.
Ce décret intervient deux mois après un précédent qui actait la reconnaissance des cancers du larynx et de l'ovaire comme maladies professionnelles agricoles, par la mutualité sociale agricole (avec un délai de prise en charge portée à 40 ans).
Lutter contre la sous-déclaration
Cette prise en compte résulte des travaux menés par la commission spécialisée des pathologies professionnelles du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), sur la base de l’expertise scientifique réalisée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) il y a un an.
Avant l'inscription sur le tableau, les médecins pouvaient adresser des demandes aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP) qui évaluaient l'ensemble des différents facteurs de risque. La reconnaissance sera désormais automatique dès lors que les conditions administratives sont remplies.
La non-inscription sur le tableau jusque-là a pu participer au fait que le lien entre amiante et ces types de cancers reste peu connu des médecins. Dans son enquête, l'Anses relevait que les cancers du larynx et de l'ovaire sont « sous-déclarés et sous-reconnus », quand ils sont liés à une exposition professionnelle à l'amiante. Malgré l'établissement dès 2012 d'un lien avéré entre l'amiante (classé cancérogène en 1977) et les cancers du larynx et de l'ovaire par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), seulement 130 demandes de reconnaissance du cancer du larynx en maladie professionnelle ont été examinées entre 2010 et 2020, et six pour les cancers des ovaires, selon les données de l'Assurance-maladie.
Jusqu'à présent, les deux seuls cancers reconnus comme maladies professionnelles liées à l'inhalation d'amiante étaient le cancer bronchopulmonaire primitif et le mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde.
L'amiante, utilisé pendant plusieurs décennies au cours du XXe siècle dans la construction de bâtiments, a été interdit en France en 1997. Il reste la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de cancers d’origine professionnelle. Selon les autorités sanitaires, son inhalation pourrait causer via des cancers des voies respiratoires entre 68 000 et 100 000 décès en France de 2009 à 2050.
Même si toutes les formes d'amiante sont interdites dans l'Union européenne (UE) depuis 2005, les fibres d'amiante sont toujours présentes dans des millions de bâtiments et d'infrastructures et responsables de la mort de 70 000 personnes par an en Europe. Au total, 78 % des cancers professionnels reconnus dans les États membres de l'UE sont liés à son exposition.
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