Notre système de santé doit relever deux grands défis dans les années à venir. Le financement du progrès biomédical, tout d'abord, avec l'arrivée de nombreux médicaments onéreux, dans le domaine cardiovasculaire et surtout en cancérologie. Deuxième défi : « l'épidémie » des maladies chroniques. Ces maladies concernent plus de 16 millions de personnes en France, dont 9 millions pris en charge en affections de longue durée (ALD) – ce qui représente 65 % du budget de la sécurité sociale. « Bien que notre système de santé soit l'un des meilleurs au monde, il n'est pas adapté à la prise en charge des maladies chroniques de 4 points de vue : prévention, modèle médical, organisation et mode de financement », souligne, le Pr André Grimaldi.
Réorganiser la prise en charge des maladies chroniques
En matière de prévention, notre système de santé est classé 30e au sein des pays de l'OCDE. La France est, notamment, mauvaise élève en matière de prévention des morts évitables liés au tabac, à l'alcool, aux accidents de la circulation… Par ailleurs, malgré la couverture maladie universelle (CMU) et les ALD, le renoncement aux soins pour des raisons financières est important. Les inégalités d'accès aux soins sont également territoriales et culturelles.
Le modèle médical des maladies chroniques devrait être celui d'une médecine intégrée, à la fois biomédicale, pédagogique, psychologique et sociale. Une médecine partenariale, où la relation médecin/patient reste, certes, asymétrique mais doit être égalitaire et personnalisée, facilitant la codécision. « Une médecine coordonnée entre les professionnels et entre la ville et l'hôpital : on en est loin », déplore le Pr Grimaldi.
La prise en charge des maladies chroniques nécessite un exercice regroupé, en équipe : médecins, paramédicaux, travailleurs sociaux – utilisant un dossier médical partagé – et travaillant les uns avec les autres. « En matière de financement, le paiement à l'acte et la T2A ne sont pas adaptés à la prise en charge des maladies chroniques. Il faut envisager un financement pluriel : à l'acte et à la T2A pour les actes techniques et ponctuels ; un financement de la structure et une dotation globale annuelle des établissements pour la prise en charge des maladies chroniques. Enfin, il faudrait mieux financer les missions de santé publique », affirme le Pr Grimaldi.
La santé, un bien commun
Autre grand défi : la soutenabilité financière de notre système de santé, mise à mal par les ajustements successifs, depuis les années 1970, empilement de mesures de régulations publiques/privées, de l'offre et de la demande. « Aujourd'hui, notre système est devenu complètement illisible : la sécurité sociale ne rembourse plus que 50 % des soins courants (hors hospitalisations et ALD). Si elle passe au dessous, elle perdra sa légitimité, en termes de solidarité, pour les membres des classes moyennes bien portants », confie le Pr Grimaldi.
Selon le diabétologue, le scénario pessimiste de l'avenir de notre système de santé serait notamment de confier un rôle accru aux assurances privées (mutuelles et assureurs), de créer des réseaux de soin avec un conventionnement sélectif ; d'autoriser les hôpitaux à devenir des établissements privés d'intérêt collectif, de limiter les ALD... Et d'en arriver à ce que la Sécurité sociale ne couvre que les populations démunies et les malades les plus graves.
Dans le scénario optimiste, la santé serait un bien commun. « Il faudrait trouver une voie qui ne s'appelle ni étatisation, ni privatisation. Cette voie est, au fond, celle de la Sécurité sociale. Cela signifie une Sécurité sociale à 100 % mais uniquement pour un panier de soins solidaires. Pour les choix plus personnels (homéopathie, refus des génériques, thermalisme, accidents de ski…), l'assurance supplémentaire pourrait prendre le relais. La Sécurité sociale devrait être cogérée par l'État, les professionnels de santé et les usagers avec une règle d'or : l'équilibre des comptes. En attendant, l'Assurance-maladie pourrait être non seulement obligatoire, mais aussi la complémentaire des Français qui le souhaitent, moyennant le versement d'une prime. Ce qui est déjà le cas de la CMU complémentaire et du système particulier d'Alsace-Moselle », conclut le Pr Grimaldi.
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