Après un infarctus du myocarde, le risque de complications reste élevé, à moyen et long termes. De nouvelles options pharmacologiques sont testées dans ce contexte – parfois relativement inédites, ou plus souvent relevant de repositionnements. Mais trois études présentées à ce congrès de l’ACC 2024 décrivent plutôt des résultats mitigés, voire négatifs.
Échec de l’EDTA
L’administration de sel d’acide éthylène-diamine-tétra-acétique (EDTA) est déjà utilisée pour traiter certaines intoxications aux polluants tels que le cadmium et le plomb. Ce chélateur permet l’élimination urinaire de ces métaux lourds, par ailleurs connus pour favoriser l’athérosclérose. En 2012, dans l’essai Tact, l’utilisation d’EDTA en post-infarctus avait permis de réduire le risque d’évènements cardiovasculaires, et encore plus chez les sujets présentant un diabète.
D’où un nouvel essai clinique, Tact2, ciblant plus spécifiquement ces patients : 959 individus américains et canadiens de plus de 50 ans atteints de diabète ont été recrutés et randomisés après un infarctus, pour recevoir une perfusion hebdomadaire soit d’EDTA, soit d’un placebo, pendant 40 semaines.
Mais après un suivi de 48 semaines, aucune différence n’était notée entre les deux bras, que ce soit en termes de mortalité toutes causes ou d’incidence des infarctus, AVC, revascularisations coronaires ou hospitalisations pour angor instable. Pourtant, l’EDTA a bien abouti à une réduction de 60 % de la plombémie des participants.
Pour expliquer ces résultats, les auteurs évoquent une potentielle faible exposition au plomb et cadmium de la population recrutée : lors de leur inclusion dans Tact2, les participants présentaient une plombémie deux fois plus basse que les individus recrutés pour Tact en 2003. Ce qui pourrait être dû à des interventions de santé publique conduites en Amérique du Nord. À noter toutefois que du plomb et du cadmium étaient détectables chez, respectivement, 100 % et 68 % des participants à l’inclusion.
ApoA1 et empagliflozine : résultats mitigés
Autre approche développée depuis une vingtaine d’années, mais qui vient de donner des résultats relativement décevants : l’administration d’apolipoprotéine A1 (ApoA1) humaine, composante du HDL-cholestérol. Il y a plusieurs années, une formulation baptisée CSL112 de cette ApoA1 a montré sa capacité à augmenter très nettement l’efflux du cholestérol et à réduire la quantité de lipides au sein des plaques d’athérome.
Restait à s’assurer de l’effet clinique de ce candidat médicament. Pour ce faire, plus de 18 000 patients présentant un antécédent d’infarctus ont été recrutés et ont reçu quatre perfusions, soit de CSL112, soit de placebo.
Mais, à 90 puis à 180 jours, la mortalité cardiovasculaire et l’incidence des infarctus et AVC étaient les mêmes dans les deux groupes. Toutefois, le CSL112 pourrait s’avérer efficace parmi les patients présentant des niveaux importants de LDLc.
Quant aux inhibiteurs du SGLT2 – qui ont déjà montré leur intérêt en prévention primaire chez les patients à haut risque cardiovasculaire (diabétiques, atteints de maladie rénale chronique, etc.), – ils semblent aussi présenter une efficacité mitigée en prévention secondaire post-infarctus. C’est ce que suggère l’essai Empact-MI, qui a évalué l’empagliflozine à la dose de 10 mg chez plus de 6 500 patients recrutés dans les 14 jours après un infarctus.
Si l’étude n’a finalement pas rempli son critère de jugement principal (réduction du délai avant une première hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou un décès : 8,2 vs 9,1 % sous empagliflozine et placebo respectivement, NS), le médicament semble néanmoins permettre une diminution du risque d’insuffisance cardiaque : -23 % de risque d’hospitalisation pour ce motif et -30 % de morts par insuffisance cardiaque.
Réévaluer l’arsenal thérapeutique existant
Au total, il ne semble pas que la prise en charge post-infarctus évoluera dans le sens d’un élargissement de l’arsenal thérapeutique dans les suites immédiates de l’ACC 2024. Au contraire, se dégage même de ce congrès une remise en cause de l’intérêt d’anciens médicaments encore largement utilisés.
Reperfusion et prise en charge des facteurs de risque ont rebattu les cartes
En prévention secondaire post-infarctus, si les bêtabloquants restent aujourd’hui recommandés, c’est sur la base d’études anciennes, parues avant le développement de la reperfusion et de la prise en charge des facteurs de risque. Si bien que de récentes études observationnelles ont trouvé des résultats contradictoires sur l’effet de ces médicaments dans ce contexte – en particulier en cas de fraction d’éjection préservée.
Aussi, l’essai Reduce-AMI a réévalué l’intérêt d’un traitement quotidien par 100 mg de métoprolol ou 5 mg de bisoprolol, par rapport à une prise en charge sans bêtabloquants auprès de 5 000 patients Suédois, Estoniens et Néo-Zélandais recrutés après un infarctus et présentant une fraction d’éjection préservée. Finalement, après 3,5 ans de suivi, les bêtabloquants n’étaient associés ni à moins de décès, ni à moins d’infarctus.
Une pompe micro-axiale dans le choc cardiogénique
Complication immédiate de l’infarctus, le choc cardiogénique reste associé à une mortalité importante. Depuis une dizaine d’années, un dispositif de pompe micro-axiale transvalvulaire est développé, afin de décharger le ventricule gauche en cas de défaillance et ainsi d’améliorer la perfusion.
L’essai Danger-Shock a été conduit pour évaluer l’intérêt de ce dispositif. 355 patients de 67 ans d’âge médian présentant un infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (Stemi) en choc cardiogénique ont été recrutés au Danemark, Royaume-Uni et Allemagne – non sans peine, les cas de choc extra-hospitalier, notamment, ayant été exclus – puis randomisés pour recevoir soit les soins standards, soit la pompe en sus.
Alors qu’à six mois, le taux de mortalité atteignait 59 % dans le groupe contrôle, ce chiffre était abaissé de 13 % parmi les patients ayant reçu la pompe, avec un nombre à traiter (NNT pour number needed to treat) de 8. Selon une analyse post-hoc, les patients manifestant une tension artérielle particulièrement basse pourraient bénéficier particulièrement de ce dispositif.
Des résultats très encourageants, dans la mesure où, depuis la démonstration de l’intérêt d’une reperfusion précoce en 1999 (essai Shock), seul l’essai Culprit-Shock, en 2017, avait permis de réduire la mortalité et faire progresser les pratiques. Pour mémoire, la pompe à ballon intra-atrial (essai IBP-Shock, 2012) et la circulation extracorporelle (essai ECLS-Shock, 2023) avaient au contraire échoué à apporter la preuve de leur efficacité.
Cependant, cette pompe micro-axiale s’accompagne d’effets indésirables importants : davantage de cas d’hémorragies, d’ischémies du membre inférieur, de besoin de thérapie de remplacement rénal et de sepsis ont été retrouvés dans le bras interventionnel. Un rapport bénéfices-risques à évaluer dans le contexte de la survie.
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