« ALORS QUE des assistances circulatoires implantables type HeartMate II sont agréées et prises en charge au-delà de 70 ans, la question de la greffe cardiaque passé un certain âge va se poser de plus en plus en clinique » selon Richard Dorent (Agence de Biomédecine, Paris). Mais, alors que l’on est en pénurie de greffons avec grosso modo 10 candidats pour un greffon cardiaque, faut-il écarter systématiquement les plus de 65 ans de la greffe ?
Greffe passés 65 ans : un gain en qualité de vie plus qu’en survie.
Pour rappel, l’attribution des greffons cardiaques ne tient pas compte de l’âge. Il n’y a pas d’appariement de l’âge entre donneur et receveur. Et pas de priorité par rapport âge sauf pour les enfants. Néanmoins, « entre 2006 et 2010, dans la base de données française CRYSTAL recensant les greffés français (360-380 greffes cardiaques/an en moyenne), seuls 81 sujets, soit 5 % des receveurs de cœur, avaient plus de 65 ans. Et leur pronostic est nettement moins bon. A un an, seulement un peu plus de la moitié sont encore vivants contre trois quarts des greffés de moins de 65 ans », déclare R Dorent.Leur survie à 1 an étant de 55 %, versus 74 % avant 65 ans. Pour autant, l’âge n’est pas seul responsable. « L’analyse des comorbidités sur 2010-2011 suggère que plusieurs facteurs de risque, notamment le diabète et la dysfonction rénale le jour de la greffe, sont venus majorer le risque des plus de 65 ans. » Parmi les plus de 65 ans, 40 % cumulaient 2 ou 3 facteurs de risque majeurs, contre 30 % des moins de 65 ans. Le moins bon pronostic de la greffe est donc probablement lié autant à l’âge qu’aux comorbidités associées.
« Enfin, le bénéfice de la greffe semble limité à la qualité de vie chez les sujets âgés », selon R. Dorent. En effet, si avant 65 ans, la survie à 1 an est largement meilleure chez les greffés comparativement à ceux en attente de greffe (survie à 1 an : 73 % des greffés : 43 % des non greffés), passés 65 ans, les survies post-greffe et en attente de greffe convergent (53 % vs52,5 %).
Assistance cardiaque et thérapie de destination passés 70 ans.
« Les assistances cardiaques à débit continu ont révolutionné l’assistance cardiaque » résume le Pr Pascal Leprince (chirurgien cardiaque, Pitié Salpêtrière). Taille de plus en plus réduite, suppression des valves… Le nombre de patients implantés comme la durée moyenne d’implantation va grandissant, d’autant que la survie a nettement progressé et s’approche de celle de la greffe cardiaque.
Doit-on, dès lors, implanter les sujets âgés et envisager chez eux la thérapie de destination – implantation définitive – plutôt que l’utilisation en bridge avant transplantation ?
Selon le Pr Leprince, « il y a du pour : – la prévalence élevée de l’IC chez les sujets âgés, dont certains ne sont pas en si mauvais état général, – la rareté de la transplantation cardiaque après 65-70 ans, – l’arrivée d’assistances bien moins invasives associées à une bonne qualité de vie. Mais il y a aussi du contre : – l’absence d’option de sortie en cas de complication – le coût, – la problématique de la gestion de la fin de vie. »
Enfin, on a peu de données sur les sujets âgés sous assistance cardiaque. Une petite série de San Diego rassemblant 30 plus de 70 ans (1) ainsi que la cohorte HeartMate II, dont 60 implantés ont plus de 70 ans, suggèrent qu’il n’y pas de différence de survie par comparaison aux implantés plus jeunes. « Sous réserve de très bien sélectionner les patients, l’implantation passés 70 ans est donc envisageable. Mais, attention, il y a un réel problème de coût. Et l’avenir est probablement plus aux supports partiels en phase d’IC non terminale », selon le Pr Leprince. Telles les mini-pompes s’implantant entre la veine pulmonaire supérieure droite et l’artère sous clavière, très prometteuses.
D’après les interventions de R Dorent - Place de la transplantation après 65 ans - et P Leprince - Place de l’assistance cardiaque mécanique définitive chez le sujet âgé. Flashes d’actualité Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies.
(1) RM Adamson et al. JACC 2011; 57 (25)
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