Une grossesse après chirurgie bariatrique est associée à un risque de dépression et d’anxiété plus élevé qu’en population générale. « Un dépistage est nécessaire, explique la Dr Louise Avenet, psychiatre à l’hôpital Louis-Mourier (Colombes). Il est important de croiser les regards – chirurgien, nutritionniste, gynéco-obstétricien – et de dégager du temps pour la surveillance ».
Alors que la chirurgie bariatrique entraîne moins de dépression et d’anxiété à deux ans, la grossesse peut raviver la peur de prendre du poids. Le vécu des modifications corporelles est à surveiller, « des troubles du comportement alimentaire (TCA) peuvent apparaître en péripartum, entraînant honte, culpabilité, stigmatisation », rapporte la psychiatre. La grossesse est plus à risque sur le plan médical, ce qui est aussi anxiogène, « surtout s’il y a eu un parcours d’assistance médicale à la procréation long », note la spécialiste.
Ce d’autant que malgré un temps de préparation avant la chirurgie bariatrique, peuvent persister des conflits psychiques non résolus (psychotrauma, attachement, estime de soi). « Le temps du psychisme n’est pas le plus facile à programmer, cela peut nécessiter un accompagnement des années durant », insiste-t-elle, sachant que la chirurgie bariatrique en elle-même est associée à un risque augmenté de suicide à huit ans, et d’automutilation et de TCA à plus de trois ans (anorexie mentale, purge, dumping).
Autre source d’inquiétude : la transmission de l’obésité à l’enfant, et en particulier l’alimentation et la prise de poids du bébé. « L’orthorexie, dont les femmes ont parfois besoin, peut être pourvoyeuse de troubles du comportement chez l’enfant, indique la Dr Avenet. Les patientes ayant suivi de multiples régimes sont en manque de repères ». Pour la psychiatre, il est intéressant de questionner aussi l’image que la femme a du corps de son petit. « Des mamans disent trouver le bébé “potelé” : est-ce une représentation positive ou négative ? », illustre-t-elle.
Un stress supplémentaire peut être lié au désir de perfectionnisme dans la parentalité, un trait de personnalité souvent retrouvé avec l’orthorexie. « Cela peut entraîner un trouble de la gestion des émotions : comment gérer les enfants qui disent non, qui refusent de manger ? Ce peut être un levier de motivation à se tourner vers les soins ».
Conseiller de venir consulter avec le bébé
Alors qu’à deux ans, 50 % des patientes échappent au suivi post-chirurgical, comment les suivre ? « Orienter vers un réseau de périnatalité permet de créer une nouvelle relation thérapeutique autour du bébé et de la maman dans la bienveillance, plaide-t-elle. Cela décentre du risque de prise de poids. Avant, on préconisait de ne pas prendre plus de huit kilos pendant la grossesse, maintenant on invite à se décentrer, cela diminue l’anxiété et limite ainsi le risque de décompensation psychiatrique. Ce peut être l’occasion de reprendre un suivi nutritionnel et psy. »
Les équipes peuvent se former et la psychiatre donne quelques conseils. « Un score de dépression et d’anxiété est utile, mais il est déjà très informatif de poser deux trois questions : “avez-vous peur de prendre du poids, voulez-vous consulter, avez-vous une image corporelle qui vous pose problème” , explique-t-elle. Il ne faut pas avoir peur de poser des questions clairement : “avez-vous déclenché des vomissements ? Est-ce une idée ?” ». Les femmes, accaparées par le nourrisson, renoncent souvent aux soins. « Il faut les inviter à venir en consultation avec leur bébé, les PMI ont cet avantage d’accueillir le couple mère-enfant », ajoute-t-elle, conseillant de réadresser les femmes à risque psychologique pour un suivi à leur psychologue si elles en ont un ou à celui de la maternité, de la PMI ou du centre médico-psychologique.
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