Un métabolisme maternel modifié ou une nutrition maternelle inappropriée entraîne la mise en place d’un environnement intra-utérin défavorable. Alors que le génotype est déterminé dès la conception, le phénotype est modulé sans cesse par des facteurs extérieurs qui agissent dès la période anténatale en modifiant l’environnement intra-utérin. De nombreuses études réalisées chez l’animal ont démontré un rôle prépondérant de l’environnement périnatal sur la survenue de maladies métaboliques à l’âge adulte. Ces observations ont donné naissance à l’hypothèse de l’origine développementale des maladies de l’adulte (DOHaD : developmental origins of health and diseases). Cette hypothèse introduit la notion qu’un environnement intra- ou extra-utérin défavorable altère le développement des tissus et de leurs fonctions, et peut programmer des maladies chroniques chez l’enfant et l’adulte.
Troubles du comportement
De façon plus récente et beaucoup moins bien expliquée, il existe actuellement dans la littérature des données qui font état d’un possible lien entre l’hyperglycémie maternelle et le développement cognitif de l’enfant à plus ou moins long terme. À partir d’un registre national en Suède, il a été démontré que le diabète de type 1 maternel était associé à un surrisque de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité de 35 % chez l’enfant exposé, comparativement aux enfants de la population générale. Dans cette même étude, le diabète de type 1 paternel est lui aussi associé à un surrisque de 20 % ceci après ajustement sur le niveau socio-économique et niveau d’éducation (1). Cette augmentation de risque à la fois chez le père et la mère évoque que la prédisposition génétique associée à l’immunité pourrait expliquer ce lien. Le risque plus élevé en cas de diabète de type 1 maternel que paternel plaide également en faveur de l’implication de l’environnement intra-utérin.
Ces données étaient discordantes en cas de diabète de type 2 maternel ou de diabète gestationnel jusqu’à récemment, en raison d’effectifs insuffisants dans les études s’intéressant à cette relation. Par ailleurs, le type exact de diabète maternel ou les thérapeutiques utilisées pour contrôler l’hyperglycémie maternelle n’étaient pas toujours précisés et les populations n’étaient pas toujours comparables en termes de statut socio-économique. Néanmoins, ces études suggèrent que l’hyperglycémie maternelle traitée médicalement pendant la grossesse pourrait être associée à une augmentation des troubles du comportement chez l’enfant.
Repenser le contrôle glycémique
Très récemment, une étude longitudinale de cohorte californienne a évalué l’importance relative du diabète de type 1, de type 2 et gestationnel en ce qui concerne ce risque de trouble de l’attention sur un échantillon final de 333 182 enfants nés de 243 882 mères. La méthodologie a consisté en un suivi de tous les enfants ayant une symptomatologie évocatrice de trouble de l’attention avec hyperactivité entre 4 ans et 18 ans repérés à partir de la cotation CIM-9 ou de renouvellements de médicaments utilisés pour traiter cette pathologie sur au moins 2 visites. Comparativement aux enfants non exposés au diabète maternel, l’odd ratio ajusté est de 1,57 (IC95 [1,09 – 2,25] ; p = 0,01) en cas d’exposition au diabète de type 1, de 1,43 (IC95 [1,29 – 1,60] ; p < 0,001) en cas d’exposition au diabète de type 2, et 1,26 (IC95 [1,14 – 1,41] ; p < 0,001) en cas de diabète gestationnel traité (insuline, metformine ou sulfamides). Le surrisque n’existe pas en cas de diabète gestationnel non traité médicalement (2).
Bien que certaines données soient absentes dans cette étude – que ce soit l’équilibre glycémique au cours de la grossesse, de possibles facteurs confondants d’origine paternelle, les modalités d’accouchement, la notion de détresse respiratoire ou d’hypoglycémie néonatale, l’utilisation de thérapeutiques pendant la grossesse – cette étude de grande envergure doit nous amener à proposer des études complémentaires pour déterminer le rôle du contrôle glycémique, des thérapeutiques utilisées en cas de diabète gestationnel. Le fait que ces troubles chez l’enfant soient présents quel que soit le type de diabète n’est pas en faveur d’une fenêtre de vulnérabilité particulière au cours de la grossesse.
Cette étude doit nous amener également à réfléchir aux programmes de suivi qui pourraient être proposés à ces enfants exposés in utero à l’hyperglycémie maternelle, dans la mesure où il n’y a à ce jour aucun suivi spécifique, en dehors du suivi habituel de tout enfant.
Exergue : Le fait que les troubles de l’enfant soient présents quel que soit le type de diabète n’est pas en faveur d’une fenêtre de vulnérabilité particulière au cours de la grossesse
CHRU de Lille
(1) Ji J, Chen T, Sundquist J, Sundquist K. Type 1 diabetes in parents and risk of attention deficit/ hyperactivity disorder in offspring: a population-based study in Sweden. Diabetes Care 2018;41:770-4
(2) Xiang AH, Wang X, Martinez MP et al. Maternal gestational diabetes mellitus, type 1 diabetes, and type 2 diabetes during pregnancy and risk of ADHD in offspring. Diabetes Care 2018;41:2502-08
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