POUR L’HEURE, il n’y a pas foule de plaintes tournées contre les médecins. Certains avocats de victimes cependant ne s’en cachent pas, et confessent vouloir mettre en cause ceux qui ont prescrit le Mediator hors AMM, à l’instar de Me Claude Lienhard (voir notre édition du 14 mars). Me François Honnorat, lui, n’y tient pas. « Chacun fait ses choix », commente-t-il laconiquement. Me Charles Joseph-Oudin, de même, campe une autre position. « Je ne vois pas beaucoup de patients prêts à attaquer leur médecin, dit-il. Les victimes que je représente sont désolées pour les médecins qui sont autant victimes dans cette affaire. Ce n’est pas le détournement d’AMM qui crée la toxicité du produit. » La polémique autour du hors AMM, « c’est un contre-feu allumé par le laboratoire pour cacher un fait certain et acquis : ce produit est dangereux », assène l’avocat parisien. Me Joseph-Oudin s’inquiète des retombées sur les relations médecins-patients. Il relate le cas de personnes ayant attaqué Servier, qui n’ont pas compris l’accueil glacé que leur a récemment réservé leur médecin. « Ces médecins avaient reçu une assignation et n’avaient pas remarqué que c’est l’ONIAM [l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, NDLR], et non le patient, qui les poursuit. Il y a un vrai problème de confiance entre les patients et les médecins », remarque l’avocat, qui entend ne plus informer l’ONIAM des procédures engagées.
Les médecins sont sur la défensive. « Certains refusent de signer l’attestation prouvant qu’ils ont prescrit le Mediator », constate le Dr Dominique-Michel Courtois, chirurgien à Bordeaux, et président de l’association* de victimes qui a déposé 500 plaintes jeudi dernier à Paris. « Entre les prescriptions hors AMM et l’oubli de la mention NR (non remboursable) sur les ordonnances, on n’en est qu’au début de l’ennui des médecins, estime le Dr Courtois. Plusieurs avocats m’ont contacté, ils veulent attaquer directement les médecins en tromperie et perte de chance. Personnellement, je n’y suis pas favorable, même s’il est vrai qu’on a prescrit le Mediator a des gens qui n’étaient pas à l’article de la mort. » Le Dr Courtois participe aux négociations avec le laboratoire Servier pour la création d’un fonds d’indemnisation. « Ce serait la voie de sortie idéale pour les médecins, car les patients ne seront pas tentés de se retourner contre eux », dit le chirurgien, pressé que le cadre du hors AMM soit redéfini et sécurisé. « Je siège aux Assises du médicament, nous y travaillons pour éviter que l’on puisse reprocher un jour aux médecins leurs prescriptions hors AMM ».
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