« Maigrir pendant la cure ne sert à rien si l’on regrossit après, rappelle le Pr Jean-Michel Lecerf, conseiller scientifique des établissements thermaux de Brides-les-Bains au titre du Service de nutrition et activité physique de l’Institut Pasteur de Lille. C’est dire que les conseils aux curistes ne doivent pas être insupportables et qu’il faut éviter les régimes restrictifs », poursuit-il. Un travail important a été mené depuis une dizaine d’années par le Pr Lecerf avec toutes les équipes de médecins, diététiciens, restaurateurs de la station thermale de Brides-les -Bains pour faire comprendre que le but d’une cure thermale chez des patients obèses ou en surpoids n’était pas de manger beaucoup moins mais surtout d’apprendre à manger. Un certain nombre d’outils ont été élaborés à cet effet pour accompagner les soins physiques classiques associant cures hydriques (ingestion d’eau minérale), soins hydrothermaux (bains et jets bouillonnants) et rééducation (massages, exercice physique).
Consultation diététique, soutien psychologique, activité physique et éducation thérapeutique sont autant d’options complémentaires qui ont été développées pour une prise en charge globale du patient dans un environnement où « le vécu est partagé et le regard stigmatisant des autres n’existe pas », explique le Pr Lecerf. Les restaurateurs ont même signé une charte diététique pour le respect des menus adaptés à la cure.
Tous les sujets obèses ou en surpoids avec ou sans facteurs de risque associés peuvent bénéficier du thermalisme. Il n’y a pas de limite d’âge ni de poids. À 80 ans, si la cure est peut-être moins efficace sur le plan préventif, elle n’est pas inutile sur le plan général voire articulaire ou ostéomusculaire. Quant aux obésités dites morbides (IMC > 40 kg/m2), elles peuvent permettre de stabiliser la maladie mais cela reste modeste. La préparation et l’accompagnement post-chirurgie bariatrique sont des indications intéressantes du thermalisme.
L’éducation thérapeutique renforce et prolonge les effets des soins thermaux
Un certain nombre d’essais (Maâthermes, PriSMe) publiés dans des revues scientifiques internationales ont mis en évidence les bénéfices de la balnéothérapie dans l’obésité de l’adulte ou le syndrome métabolique. L’option complémentaire « Éducation thérapeutique » a fait l’objet d’une étude récente intitulée Educatherm. Son objectif : évaluer l’effet d’un programme d’éducation thérapeutique associé aux soins thermaux à 5, 11 et 17 mois. Plus de 350 personnes ont été incluses dans cette étude mise en place aux thermes de Brides-les-Bains. Le groupe « Éducation thérapeutique/ETP » (soins thermaux + programme d’éducation thérapeutique) a été comparé à un groupe témoin (soins thermaux et activités classiques). Le programme d’éducation thérapeutique consistait en 2 rendez-vous diététiques, 5 ateliers thématiques, 6 séances d’activité physique adaptée et 1 suivi mensuel par mail pendant 5 mois. Les résultats de ce travail publiés dans la revue « Obesity Research and Clinical Practice » (août 2019) et présentés par le Pr Lecerf durant les « Entretiens de Bichat » (10 Octobre 2019) ont montré que l’éducation thérapeutique renforçait et prolongeait les effets très favorables de la cure thermale sur le poids, l’alimentation, l’activité physique et la qualité de vie. La perte de poids était significativement plus importante et maintenue dans le temps pour le groupe ETP (3 à 4 kg en moyenne). Une augmentation significative du niveau d’activité physique était observée dans les 2 groupes à 5 et 11 mois par rapport au début de la cure, mais le pic à 5 mois était significativement beaucoup plus important dans le groupe ETP. L’évolution sur les habitudes alimentaires était plus favorable et durable dans le groupe ETP. Enfin les bénéfices en termes de qualité de vie évalués sur des critères précis (score santé physique et mentale, bien-être physique, psychologique, générale, sensation d’énergie, d’anxiété, gène physique) ont été jugés comparables dans les 2 groupes avec une supériorité à 5 mois pour le critère bien-être dans le groupe ETP.
Pour le Pr Lecerf, il apparaît essentiel que les médecins généralistes soient davantage informés sur les effets de la médecine thermale, notamment dans les pathologies chroniques comme l’obésité. L’éducation thérapeutique, qui a montré ses effets favorables dans ce contexte, devrait être réalisée en liaison avec ces acteurs de santé clé et ce, pour la pérennisation des acquis. Car « les vrais objectifs en matière de poids, a rappelé le Pr Lecerf lors des entretiens de Bichat, sont de mettre en place durablement les changements de mode de vie (alimentation, activité physique, estime de soi) pour ne plus grossir voire maigrir doucement et améliorer sa santé ». Enfin, autre défi que souhaiterait relever le Pr Lecerf : que la cure thermale devienne un « acteur clé » dans la préparation et l’accompagnement de la chirurgie bariatrique, un geste chirurgical très fréquent en France puisqu’il concerne environ 60 000 personnes chaque année.
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