Certes, la pharmacopée du diabète de type 2 (DT2) s’est beaucoup enrichie dans notre pays durant la dernière décennie et la venue des incrétines a représenté une réelle avancée. Cependant les avantages de la classe des inhibiteurs des cotransporteurs sodium-glucose de type 2 (iSGLT2 ou gliflozines) sont importants pour un DT2 tout venant, et plus encore en prévention cardiovasculaire (CV) secondaire ou avec insuffisance rénale modérée. Aujourd’hui, toutes les recommandations nationales et internationales ont inscrit en bonne place les iSGLT2-i dans la prise en charge du DT2… Sauf la Société francophone du diabète (SFD), qui n’a pu les inclure dans sa prise de position 2017, faute de commercialisation en France.
Avec un des meilleurs dossiers parmi l’ensemble des antidiabétiques oraux depuis l’origine des thérapeutiques du DT2, on s’étonne que les institutions françaises demeurent les seules en Europe à retarder leur entrée sur le marché. D’autant que, selon nous, les gliflozines étant, partout où elles sont commercialisées en Europe, bien moins coûteuses que les arGLP1, les craintes légitimes des payeurs confrontés aux dépenses croissantes liées à ces derniers, ne tiennent pas face à des coûts certainement réduits, que ce soit avant l’insuline ou en association à celle-ci et à la metformine.
Rappelons par ailleurs que la France ne dispose plus des glitazones, qui conservaient quelques indications très ciblées, où elles demeurent irremplaçables…
Des intérêts singuliers
La première des raisons pour lesquelles les iSGLT2 sont particulièrement intéressants réside dans leur mode d’action, qui fait que tout diabétique est répondeur (en l’absence d’insuffisance rénale marquée). Ceci les distingue de tous les autres antidiabétiques oraux (sulfamides, glinides, gliptines ou iDPP4) et des agonistes des récepteurs du GLP1 (arGLP1). En particulier ces derniers, pour lesquels les non répondeurs sont nombreux, obligeant à une évaluation au plus tard après 6 mois de traitement.
Ensuite, les gliflozines exercent leurs effets glycémiques sans aucun risque hypoglycémique. Enfin ils induisent une perte de poids en moyenne 2-5 kg (jamais plus) mais une fois encore constante. En cela ils sont supérieurs aux iDPP4, neutres au plan pondéral, aux sulfamides (légère prise de poids de 1-2 kg). En revanche, les arGLP1 offrent aussi l’avantage de faciliter la perte de poids, parfois beaucoup plus que les iSGLT2 mais, une fois encore, il existe des non-répondeurs sur ce critère pondéral.
Les atouts des associations
En bithérapie avec la metformine (MET), les iSGLT2 peuvent être considérés comme attractifs par rapport à ses comparateurs sur les critères glycémie, poids, hypoglycémies, avec en outre une durabilité des effets qui semble meilleure :
– Par rapport aux iDPP4, les iSGLT2 sont indéniablement très concurrentiels dans cette situation, avec une constance d’effet glycémique et une perte de poids induite. Seul avantage des iDPP4 : la quasi-absence d’effets indésirables ;
– Ils sont supérieurs aux sulfamides (SU), puisqu’ils offrent un effet moyen hypoglycémiant équivalent mais avec une perte de poids et pas d’hypoglycémies iatrogènes ;
– Par rapport aux arGLP1, toujours en bithérapie avec la metformine, la comparaison est plus nuancée. Avantage aux iSGLT2 pour la constance des effets glycémiques et pondéraux, pas de non répondeurs, voie orale plutôt qu’injectable, moindre coût.
En trithérapie, l’association MET + iSGLT2 + iDPP4 s’avère très favorable, puisque les effets glycémiques et pondéraux ne s’accompagnent d’un meilleur effet pondéral et d’aucun risque d’hypoglycémie… À l’inverse de d’association MET + iDPP4 + SU. En revanche, le coût de cette option restera plus élevé tant que les iDPP4 ne seront pas génériqués. Face à l’association arGLP1 + MET, cette trithérapie non injectable devrait avoir la préférence du patient.
Certes, chez les plus grands obèses, le recours aux arGLP1 demeure plus logique, mais surtout en cas de diabète assez récent, très hyperglycémique… Et chez les répondeurs à cette classe.
L’association insuline basale + iSGLT2 s’avère aussi très intéressante : réponse constante, bénéfice pondéral, pas de majoration du risque hypoglycémique, sans recours aux arGLP1 injectables et à un moindre coût.
Enfin, chez le DT2 à très haut risque CV, particulièrement en prévention CV secondaire, les essais CV feront opter pour lesiSGLT2 plutôt que pour les arGLP1. Afin d’éviter un événement sous empagliflozine il faut traiter 39 patients DT2, contre 100 avec le liraglutide (étude LEADER). Rappelons que l’insuffisance cardiaque concerne environ 20 à 30 % des DT2 à ce stade.
Notons que l’usage des iSGLT2 chez les DT1, déjà très étudié, n’est pas discuté ici.
Professeur émérite, université Grenoble-Alpes, Grenoble
Liens d’intérêt avec ce texte : Astra-Zeneca, Boehringer Ingelheim, Jansen, Novo-Nordisk, Sanofi.
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