LES RECOMMANDATIONS de l’ESH/ESC (European Society of Hypertension/ European Society of Cardiology) publiées en 2007 l’ont bien souligné : l’association d’une hypertension artérielle et d’un diabète de type 2 fait considérer le patient comme à haut risque cardio-vasculaire et amène à fixer un objectif thérapeutique de 130/80 mmHg. En 2009, l’ESH a publié une relecture des recommandations de 2007 en se fondant sur une analyse précise des grands essais tels que ONTARGET, VALUE ou INVEST. Les résultats de ces études ont été à l’origine d’un débat nourri en raison de l’existence d’une courbe en J concernant la relation entre la pression artérielle (PA) systolique et les événements cardio-vasculaires majeurs. Cette courbe en J, qui n’a pas été mise en évidence pour le risque d’accident vasculaire cérébral, serait, sans doute, la conséquence d’une altération de la perfusion myocardique en diastole accompagnant les baisses marquées de la PA. « Cette relecture a conduit les experts de l’ESH à conclure que l’intérêt de l’objectif d’une PA systolique < 130 mmHg n’est pas vraiment démontré par les grandes études et à préconiser un objectif tensionnel à 139-130/85-80 mmHg », a rappelé le Pr Stéphane Laurent (Paris).
Les modalités pratiques.
Les évolutions thérapeutiques dans l’HTA du diabétique viennent déjà d’une utilisation plus rationnelle des traitements. Toutes les classes d’antihypertenseurs peuvent être utilisées, mais il existe un effet additif de protection rénale avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes de l’angiotensine II. « De ce fait, ces deux classes de médicaments devraient être préférées chez le diabétique en monothérapie. Et chez les patients ayant une microalbuminurie avec une PA normale haute, un traitement devrait être instauré avec un bloqueur du système rénine angiotensine (SRA) ».
Quelle durée de traitement ? L’étude STENO2 a bien montré l’effet de mémoire et donc l’impact bénéfique d’un traitement de très longue durée sur les gros vaisseaux, mais aussi pour la rétinopathie et la néphropathie diabétiques. Cet effet mémoire découlerait des processus de remodelage au long cours ; de ce fait, les anomalies apparaissant peu à peu ne sont corrigées que peu à peu. L’objectif du traitement serait ainsi de faire rentrer dans un cercle vertueux, avec une réduction de la pression pulsée et une diminution de l’atteinte des organes cibles. « En pratique quotidienne, il faut au moins 3 ans pour que l’onde de pouls se normalise, a précisé le Pr Laurent. Ainsi, il est licite de s’interroger sur la durée des essais ; dans l’étude ADVANCE par exemple, cinq années de traitement multifactoriel sont peut-être insuffisantes pour voir apparaître un bénéfice sur la macroangiopathie ».
Une simplification des combinaisons d’antihypertenseurs.
Quelles associations thérapeutiques utiliser ? Les recommandations de 2007 proposaient différentes associations entre six classes thérapeutiques. La relecture 2009 a évolué vers une simplification et a retenu seulement quatre classes thérapeutiques : diurétiques, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA-II), inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et inhibiteur calcique. Toutes les associations entre les quatre classes sont possibles, sauf celle d’un IEC et d’un ARA-II . « Le double blocage du SRA, efficace pour réduire la microalbuminurie et la protéinurie, a déçu. L’étude ONTARGET n’a en effet pas permis de démontrer une protection supplémentaire, avec à l’inverse une augmentation des effets délétères sur le rein. L’absence de bénéfice supplémentaire a été constatée également avec un double blocage faisant appel à un inhibiteur de la rénine, comme dans l’étude AVOID. Le double blocage du SRA ne peut donc être aujourd’hui recommandé de façon systématique », a souligné le Pr Stéphane Laurent.
Pression centrale ou humérale ?
Enfin, se pose la question du type de pression artérielle qui doit être choisi pour cible : pression humérale ou pression centrale, cette dernière paraissant être davantage corrélée avec l’atteinte des organes cibles.
Différentes études, notamment CAFE, soulignent que les antihypertenseurs peuvent avoir un impact similaire sur la PA humérale mais différent sur la pression centrale (estimée au niveau aortique ou carotidien), ce qui pourrait expliquer les différences en termes de bénéfice cardio-vasculaire observées dans les études. Les données sont, toutefois, encore parcellaires chez les diabétiques.
Bloquer les produits de glycation avancée.
De nouveaux types de médicaments sont également espérés dans le futur. Si la piste des antagonistes de l’endothéline est abandonnée, le développement de régulateurs de produits de glycation avancée suscite de nombreux travaux. Ces produits sont impliqués dans la survenue des complications macro- et microvasculaires chez le sujet diabétique, notamment par le biais de leur action sur les facteurs de transcription de molécules inflammatoires profibrosante. Parmi les molécules les plus étudiées, l’alagébrium, qui permet de réduire la rigidité artérielle et est évalué dans l’insuffisance cardiaque, ou le TRC 4186. Et, point important, plusieurs molécules déjà connues auraient un effet bénéfique sur les produits de glycation, actuellement en cours d’évaluation. « Des évolutions pratiques sont espérées dans 4 ou 5 ans », conclut le Pr Stéphane Laurent.
Session « Flash d’actualité. L’HTA du diabétique. Les traitements du futur », modérée par le Pr Bruno Vergès, Dijon.
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