Peu exploitée en France dans les MICI mais bien acceptée des patients, l’échographie digestive est promise à un bel avenir. « Il est impensable de se focaliser uniquement sur les symptômes cliniques de la rectocolite hémorragique (RCH) et de la maladie de Crohn (MC) pour prendre une décision thérapeutique, prévient le Pr Mathurin Fumery (CHU d’Amiens). Chez près de la moitié des patients symptomatiques, la coloscopie ne retrouve aucune anomalie liée à l’inflammation (1). À l’inverse, environ 50 % des patients ne ressentent pas de symptôme malgré une inflammation intestinale ». Quant aux coloscopies itératives, elles requièrent une programmation et une préparation colique. Mal acceptées par les patients, elles exposent à un risque de perforation intestinale, pour un rendu du résultat différé. « L’acceptabilité des examens complémentaires aux cours des MICI a été étudiée (2), ajoute l’hépato-gastroentérologue. Le prélèvement sanguin et l’échographie sont parmi les mieux tolérés, à l’inverse des examens de selles et de la coloscopie (l’IRM se situant à une place intermédiaire). Quant à la calprotectine fécale, elle n'est pas réalisée dans un à deux tiers de ses prescriptions (3). L’absence de remboursement en France et un rendu ultérieur du résultat entravent l'utilisation de cet outil pourtant performant ». L’IRM présente aussi des inconvénients : douleurs et diarrhées liées à la préparation, difficultés d’accès, besoin d’une expertise de la lecture des entéro-IRM.
Performante et peu contraignante
L’échographie du tube digestif est non invasive, peu coûteuse, disponible et sans préparation colique. Grâce à une évaluation objective de l’activité de la maladie, la décision clinique peut être prise en temps réel et au chevet du malade. « L’échographie permet des évaluations répétées, plaide le Pr Fumery, au moins tous les trois mois en période d’activité de la MICI et tous les six mois en cas de rémission ». Grâce à une analyse de la paroi et de l’environnement péri-intestinal, deux lésions élémentaires principales peuvent être visualisées : un épaississement pariétal supérieur à 3 mm et une hyperhémie en Doppler couleur, témoin de l’hypervascularisation pariétale. Ces deux paramètres sont corrélés à l’activité endoscopique inflammatoire dans la RCH et la MC, ainsi qu’à l’IRM dans la MC. En outre, l’échographie laisse aussi apparaître : l’adénopathie, l’inflammation de la graisse mésentérique, la déstratification de la paroi et les complications (sténoses, fistules).
Des limites à ses indications
Cette imagerie accuse des limites, « en particulier la difficulté à visualiser le grêle proximal et le rectum, deux localisations où il faut être prudent, modère le Pr Fumery. De plus, elle reste moins performante que l’IRM pour la détection des complications, d’où une utilisation encadrée. L’objectif n’est pas de cartographier précisément l’atteinte du tube digestif, mais d’évaluer de manière répétée l’activité de la maladie sur des localisations inflammatoires identifiées par coloscopie et IRM au diagnostic ». L’échographie ne se substitue donc pas à l’IRM, ni à l’endoscopie diagnostique, mais joue un rôle dans l’évaluation itérative de l'inflammation, afin d’adapter les thérapeutiques.
Sa fiabilité pour qualifier le niveau d’inflammation intestinale est bien démontrée (4) et les recommandations européennes ECCO-ESGAR (5) l’ont déjà intégrée pour le monitoring de l’activité des MICI. « Si l’échographie peut déjà être employée afin d’optimiser les traitements et la prise de décisions thérapeutiques, la technique est peu diffusée en France, à l’inverse d’autres pays (Allemagne, Canada et Italie) qui s’en sont emparés depuis 10 à 15 ans. Mais elle deviendra bientôt incontournable, prévoit le spécialiste. Des formations, en cours de création, sont indispensables pour les hépato-gastroentérologues, les internes ou les médecins universitaires. Un diplôme universitaire se prépare ».
(1) Peyrin-Biroulet L et al. Gut. 2014 Jan;63(1):88-95.
(2) Buisson A et al. Inflamm Bowel Dis. 2017 Aug;23(8):1425-33.
(3) Maréchal C el al. United European Gastroenterol J. 2017 Aug;5(5):702-7.
(4) Allocca M et al. J Crohns Colitis. 2021 Jan 13;15(1):143-51.
(5) Maaser C et al. J Crohns Colitis. 2019 Feb 1;13(2):144-64.
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