LA TRANSPLANTATION d’intestin grêle (TIG) est le traitement radical de l’insuffisance intestinale permanente (IIP), résultant le plus souvent d’une résection étendue de l’intestin grêle mais aussi parfois d’un trouble obstructif, de la motilité ou d’une maladie congénitale de l’entérocyte. En Europe, son incidence est estimée à 2 à 4 cas par million d’habitants et par an. La nutrition parentérale (NP) le traitement de première intention de l’IIP. Bien qu’une survie à long terme soit possible sous NP, ce traitement est associé à un coût et une morbidité élevés, et une survie à 5 ans ‹ 80 % (1).
Mise au point dans les années 1960, ce n’est qu’au début des années 1990 que la TIG a connu un réel essor avec le développement d’immunosuppresseurs (IS) tels que le tacrolimus : en 2011, plus de 2 600 patients avaient été greffés dans le monde (40 % d’adultes et 60 % d’enfants), dans 79 centres. En France, deux centres pratiquent principalement la TIG : l’Hôpital Necker chez l’enfant et l’Hôpital Beaujon chez l’adulte. Si la survie à court terme s’est nettement améliorée ces dernières années, les résultats à long terme n’ont pas beaucoup évolué et la survie à 5 ans stagne entre 40 % et 60 % (2).
Indications.
Elles restent à ce jour débattues et l’attitude la plus sûre est d’adresser précocement tout patient porteur d’une IIP à un centre expert qui établira le plus souvent une stratégie au cas par cas. Cependant, une étude récente a permis d’affiner ces indications (3) :
• deux indications avecmise en jeu du pronostic vital ont été retenues : l’insuffisance hépatique (avec transplantation combinée foie intestin grêle) et la présence d’une tumeur desmoïde ;
• il existe également des indications préventives, dans lesquelles la TIG peut-être réalisée sans attendre le délai consensuel de 2 ans sous NP (risque théorique d’évolution rapidement défavorable) : un intestin grêle extrêmement court (moins de 20 cm), les maladies congénitales de l’entérocyte et les thromboses veineuses sur cathéter. Au vu des résultats de Pironi et coll. ces indications ne sont cependant pas formelles.
Quant aux contre-indications, elles sont les mêmes que pour tous les organes solides.
Type de greffe.
La majorité des TIG sont pratiquées à partir de donneurs cadavériques. Il existe quatre types de TIG : intestin grêle isolé (44 %), combinée foie intestin grêle (32 %), multiviscérale (GMV) (intestin grêle, foie, estomac, rate et bloc duodéno-pancréatique) et GMV modifiée : sans le foie. La GMV constitue 24 % des greffes mais elle est de plus en plus largement indiquée au détriment de la greffe combinée. Elle est préférée, notamment chez l’enfant, pour des raisons techniques (moins d’écueils et diminution du nombre d’anastomoses) (4). Une iléostomie temporaire est toujours mise en place.
Péri- et postopératoire. Résultats.
Afin de limiter le risque de rejet, un traitement IS d’induction est instauré au bloc opératoire. L’alimentation entérale est introduite précocement et une biopsie intestinale est réalisée dans les 8 jours postopératoires. La remise en continuité est réalisée à 3 mois (5).
La plupart des complications surviennent dans les six mois postopératoires. Les complications mettant en jeu le pronostic vital sont les infections (› 50 %), les rejets aigus et chroniques et plus rarement le graft versus host disease et les maladies lymphoprolifératives (5). Les complications chirurgicales, fréquentes, ne mettent que rarement en jeu le pronostic vital ou du greffon. Les facteurs associés à une meilleure survie sont l’âge inférieur à 1 an, l’expérience du centre, l’attente sur liste à domicile et la transplantation combinée (2).
Perspectives
En 2009, le rapport du Registre concluait que des améliorations pouvaient être faites à plusieurs niveaux : par les progrès techniques en chirurgie, l’utilisation de nouveaux IS, la prise en charge postopératoire, le bon timing pour la TIG et une meilleure sélection des candidats (4). Sur le plan chirurgical, il pourrait être souhaitable d’opter pour la GMV, et la conservation de la valvule iléo-caecale du greffon pourrait améliorer le pronostic nutritionnel des patients. La prise en charge postopératoire serait améliorée à court terme par l’identification précoce du rejet (endoscopie bihebdomadaire avec biopsies systématiques au début du suivi, et recours à des marqueurs sériques encore en cours d’évaluation). À moyen terme, un rétablissement de continuité en deux temps a été proposé pour diminuer le risque infectieux.
Au final, la TIG est aujourd’hui associé à de bons résultats à court terme, mais des progrès restent nécessaires quant aux résultats à long terme. Plusieurs pistes sont actuellement évaluées dans cette optique.
Hôpital Beaujon, Clichy. Services de *chirurgie colorectale, **gastroentérologie et assistance nutritive, ***chirurgie hépato-pancréato-biliaire.
1. Messing B et coll. 1995 ;108:1005-10.
2. Intestine Transplant Association Registry Report 2011.
3. Pironi L et coll. Gut. 2011 ;60:17-25.
4. Ueno T et coll. Surg Today. 2010 ;40:1112-22.
5. Yandza T et coll. Gastroenterol Clin Biol. 2007;31:469-79.
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