LE 26 DÉCEMBRE 2002, le corps découpé en morceaux d’une femme de 39 ans était découvert dans des sacs, sur une friche de la banlieue de Mulhouse (Haut-Rhin). L’analyse génétique d’un cheveu retrouvé dans sa main devait conduire, en 2003, à la mise en examen de son mari, lequel effectuait alors plusieurs mois de détention préventive, avant d’être placé sous contrôle judiciaire en 2005. L’expertise qui avait conclu que les traces d’ADN mitochondrial correspondaient à son empreinte génétique, avait, semble-t-il, négligé un détail : plusieurs personnes peuvent présenter le même ADNmt.
Car l’ADN issu de la mitochondrie, présent à plusieurs dizaines (voire centaines) de copies dans la cellule, ne possède aucun lien avec l’ADN du noyau et les mitochondries sont uniquement héritées par la mère, les individus d’une même lignée maternelle (frères, surs, oncles, neveux ou cousins par la mère) possédant le même ADNmt. Ils ne peuvent par conséquent faire l’objet d’aucune différenciation entre eux. « C’est la raison pour laquelle, explique au « Quotidien » le Pr Jean-Paul Moisan, docteur en médecine et en sciences, professeur de génétique à l’université de Nantes, l ’ADNmt doit toujours être considéré comme un ADN de seconde intention : il permet de définir un mitotype à partir du séquençage de deux régions hypervariables de l’ADN mitochondrial (HV1 et HV2), et de vérifier ainsi des éléments d’exclusion qui aboutissent ou non à l’élimination d’un suspect, à la manière de l’appartenance à un groupe sanguin. Mais dans le cas où l’on observe le même mitotype sur un suspect et sur un indice recueilli sur la scène de crime, il n’est pas possible de conclure comme on le ferait à partir de l’ADN nucléaire. »
Apparemment, dans l’affaire du meurtre de Mulhouse, les enquêteurs n’ont pas intégré cette donnée. Et il aura fallu qu’une consultation du fichier national des empreintes génétiques soit effectuée en 2007 pour qu’ils corrigent enfin leur erreur : un homme connu pour des faits de proxénétisme et décédé présentait le même profil d’ADN mitochondrial que le mari. Une analyse génétique avait mis en cause celui-ci, la découverte d’une autre analyse génétique l’a disculpé.
La fiabilité de l’ADN nucléaire indemne.
« C’est pour éviter précisément ce type de confusion, souligne le Pr Moisan, que les experts viennent à la barre et dispensent devant la cour d’assises un cours de vulgarisation : il faut, à chaque affaire, expliquer aux magistrats et aux jurés la portée judiciaire exacte d’une analyse génétique, sachant que l’expertise n’est de toute manière jamais l’élément unique d’une décision de justice, l’ADN fournissant un élément parmi beaucoup d’autres. »
La fiabilité de l’ADN nucléaire sort donc indemne de l’affaire de Mulhouse. Le ratage est seulement imputable à une mauvaise interprétation des limites de l’analyse d’ADNmt. Cette analyse mitochondriale n’en reste pas moins digne d’intérêt : par exemple, rappelle le Pr Moisan, c’est en comparant l’ADNmt du duc d’Édimbourg avec celui du corps de la fillette retrouvée près de celui du tsar Nicolas II que l’on a pu conclure à l’identité de la grande-duchesse Anastasia et mettre un terme à une longue énigme historique.
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