Les arguments en faveur ou non de la chirurgie d’un endométriome ovarien dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP) sont parfaitement recevables, ce qui complique la décision thérapeutique, que guide maintenant les recommandations émises par le CNGOF et la HAS, dont une partie s’adresse aux médecins traitants (1).
Pour les tenants de la chirurgie, l’endométriose en elle-même diminue la réserve ovarienne (RO) du fait de l’inflammation chronique, cela étant corrélé avec la taille de l’endométriome (significatif dès 20 mm de diamètre). Par ailleurs, proposer une AMP en laissant l’endométriome en place augmente les difficultés de la ponction ovocytaire, expose à une progression de la maladie du fait de la stimulation ovarienne, à une contamination de la ponction par le contenu du kyste et, plus rarement, au risque d’infection de l’endométriome ou de méconnaissance d’un cancer ovarien.
Mais, inversement, le geste chirurgical n’est pas toujours simple, il expose potentiellement à des complications et des lésions des organes de voisinage et il est plus coûteux. Il réduit de façon non négligeable la réserve ovarienne, et n’est pas exempt de récidives si l’exérèse est incomplète. Il peut aussi retarder l’AMP et n’a pas fait la preuve de son bénéfice sur les résultats de la FIV.
Les conséquences négatives de l’endométriome sur la fertilité ultérieure sont majorées lorsqu’il est volumineux, récidivant ou bilatéral, aussi une évaluation de la RO peut être utile avant chirurgie. On sera plus enclin à la proposer devant des endométriomes volumineux et symptomatiques. « L’association fréquente à une endométriose profonde doit la faire rechercher devant tout endométriome ovarien », rappelle le Dr Arnaud Le Tohic (centre hospitalier de Versailles).
Quelle technique privilégier ?
La kystectomie par cœlioscopie est la technique de référence. Le risque de récurrence est faible, elle est efficace sur les douleurs si l’endométriose est limitée à l’ovaire − ce qui est rare −, améliore le taux de grossesses spontanées et diminue significativement le recours à l’AMP à court terme. Mais les difficultés opératoires peuvent amener à une ovariectomie partielle voire totale, ce qui peut justifier d’écarter cette technique si la patiente souhaite la préservation de ses ovocytes. De plus, même chez les opérateurs les plus entraînés, une quantité notable de tissu ovarien normal (autour de 60 %) est retiré, d’autant plus que le kyste est volumineux.
La destruction de l’endométriome par drainage/coagulation des endométriomes n’est plus recommandée, en raison de ses mauvais résultats sur la fertilité et d’un taux de récidive plus élevé.
D’autres techniques, comme l’ablation par laser, plasma d’argon ou la sclérothérapie à l’éthanol, pourraient constituer de bonnes alternatives, mais on manque d’études bien menées permettant de les comparer.
Des indications personnalisées
L’expectative ou la ponction échoguidée simple ne sont pas recommandées en première intention devant une symptomatologie douloureuse, en raison du risque de persistance ou de récidive rapide des douleurs et des endométriomes. On peut en revanche proposer la ponction échoguidée et l’alcoolisation transvaginale dans les récidives ou les kystes volumineux avant l’AMP, le drainage seul pour un kyste très volumineux de plus de 10 cm pour un éventuel traitement en deux temps, ou lorsque le clivage s’avère complexe et qu’on ne dispose pas du laser CO2 ou du Plasmajet.
La chirurgie est indiquée dans les kystes de plus de 5 cm, associés à des douleurs ou une infertilité, persistants après traitement médical ou suspect de malignité.
La sclérothérapie est supérieure à la kystectomie pour le taux de grossesse en FIV dans les endométriomes récidivants, mais elle n’a pas été évaluée dans les endométriomes de novo.
Il est licite de s’abstenir dans les kystes de moins de 3 cm asymptomatiques ou chez une patiente devant être incluse en AMP.
Savoir demander et interpréter l’AMH
La RO est définie par le stock de follicules primordiaux, lesquels ne sont pas quantifiables mais peuvent être évalués par l’hormone antimüllérienne (AMH), parfaitement corrélée au nombre de follicules et meilleur biomarqueur de la RO.
La RO dimimue après une chirurgie d’endométriome et la chirurgie ovarienne bilatérale est associée à une ménopause plus précoce, mais l’endométriose impacte en elle-même le capital folliculaire. Des arguments histologiques évoquent des lésions de fibrose ovarienne à proximité des endométriomes, ce qu’on n’observe pas dans des kystes d’autres origines. On évoque un possible « burn-out » folliculaire, induit par l’inflammation ovarienne, qui provoque un recrutement folliculaire excessif et une augmentation de l’atrésie folliculaire. Une métaanalyse de 2018 confirme que l’AMH est plus basse en cas d’endométriose non opérée que chez les patientes avec ovaires sains ou des kystes ovariens d’autres étiologies. « Ce qui a amené à recommander en 2018 de préserver systématiquement la fertilité par congélation ovocytaire en cas d’atteinte ovarienne avec risque d’altération quantitative du stock folliculaire, i.e. les endométriomes ovariens récidivants, bilatéraux quel que soit leur volume, ou unilatéraux de plus de 5 cm, ou en cas de chirurgies itératives », souligne la Dr Valérie Bernard (Gynécologie, CHU de bordeaux). La question d’une préservation systématique de la fertilité avant un premier geste chirurgical reste débattue ; elle semble à réserver aux cas de RO initialement basse et à discuter au cas par cas en cas d’endométriose pelvienne profonde même isolée, en fonction de l’âge, du désir de grossesse, de la RO et du potentiel évolutif des lésions.
On demandera donc un dosage de l’AMH devant une endométriose ovarienne et/ou profonde, avant la chirurgie pour discuter une indication de préservation de la fertilité et chez la patiente infertile avant une FIV, le taux d’AMH étant prédictif de la réponse à la stimulation ovarienne. Il faut cependant rester prudent quant à l’interprétation de l’AMH, car son taux varie en fonction des méthodes de dosage, mais aussi selon l’âge, avec un plateau vers 20/25 ans ; elle diminue sous contraception œstroprogestative ou progestative ainsi que dans les 7 jours suivant une injection par analogue de la GnRH, alors qu’elle augmente un mois après. La baisse de l’AMH pourrait être inversement corrélée à la taille de l’endométriome. Mais on ne dispose toujours pas de normes validées pour le taux d’AMH en dehors des seuils évaluant la réponse potentielle à la FIV. Quoi qu’il en soit, en cas d’AMH basse chez une femme atteinte d’endométriose, il est logique de proposer la conservation des ovocytes. En revanche, il faut rassurer les patientes, un taux d’AMH bas n’est pas prédictif de la fertilité spontanée.
Exergue : Lors de la kystectomie, technique de référence, même chez les opérateurs les plus entraînés, plus de la moitié du tissu ovarien normal est retiré
(1) HAS et CNGOF. Prise en charge de l’endométriose, 2018
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