L’IMMUNITÉ antipalustre garde encore bien des secrets. Mais c’est un éclairage important que vient d’apporter une équipe néerlandaise avec les résultats à plus de 2 ans d’une nouvelle méthode d’immunisation : l’inoculation parasitaire expérimentale. L’équipe du Dr Meta Roestenberg a constaté que des volontaires précédemment immunisés dans leur étude initiale restaient protégés à 28 mois contre la même souche parasitaire. La méthode testée précédemment en 2009 consistait à inoculer de façon répétée et intensive le parasite via de multiples piqûres de moustiques infectés sous prophylaxie par chloroquine.
Plus de 2 ans après, la parasitémie est restée négative chez quatre des 6 participants ayant accepté de se soumettre de nouveau à des piqûres de moustiques infectés, et ce tout au long du suivi. Les deux autres ont présenté la parasitémie, respectivement au 15e et au 18e jours postexposition, soit avec retard par rapport au délai habituel de 7-12 jours observé chez les quatre des cinq témoins contaminés. Les chercheurs ont montré de plus qu’il ne s’agissait pas d’une immunité humorale mais cellulaire passant par la production d’interféron gamma et d’interleukine 2 par les cellules T mémoire.
L’ensemble des participants, précédemment immunisés, était exposé pendant 10 minutes à de piqûres d’anophèles infectés par une souche de Plasmodium falciparum, la même que celle utilisée dans l’étude de 2009. À partir du 5e jour, les volontaires étaient examinés quotidiennement afin de noter des signes cliniques de la parasitose. La parasitémie et d’autres marqueurs biologiques étaient également évalués une fois par jour. L’équipe danoise a accordé une attention particulière aux marqueurs cardiaques et au bilan de coagulation. Dès la détection de parasites sanguins, les volontaires étaient traités par de l’atovaquone 1 000 mg associé à du proguanil 400 mg une fois par jour pendant trois jours.
Mystères de l’immunité naturelle
De l’aveu des auteurs, cette protection artificielle à long terme a de quoi surprendre par rapport à l’immunité acquise naturelle, et ce à plus d’un titre. Si cette dernière existe pourtant bel et bien dans les zones d’endémie palustre, elle est loin d’être optimale, n’étant la plupart du temps que partielle et temporaire. La difficulté à acquérir une immunité naturelle reste un mystère. Comme l’expliquent des parasitologues britanniques dans un éditorial, l’un des facteurs limitants serait que les populations en zones d’endémie sont exposées à différentes souches parasitaires, ce qui n’était pas le cas de figure dans les travaux néerlandais.
Sans compter que les adultes naïfs vis-à-vis du paludisme, comme c’est le cas dans l’étude, pourraient développer une réponse plus efficace que ceux déjà exposés au paludisme. Autre explication, l’administration concomitante de chloroquine a permis d’inoculer suffisamment de pathogènes pour induire une réponse immunitaire protectrice. Ces éléments pourraient avoir des conséquences sur le développement de vaccins antipalustres. Si l’immunité acquise est spécifique d’une souche, le modèle du parasite entier est mis en difficulté. Si l’exposition préalable joue un rôle prépondérant, il est important de vacciner très tôt dans la vie en zones d’endémie. Pour y voir plus clair, il serait intéressant de tester la réponse des volontaires immunisés vis-à-vis d’une souche parasitaire différente.
Lancet 2011;377:1770-76.
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