Situé aux confins de la Haute-Garonne et des Hautes-Pyrénées, dans un territoire semi-rural, le centre hospitalier de Lannemezan vient de décrocher le label de centre de compétence pour la prise en charge de la maladie de Lyme. C’est l’illustration d’une stratégie nationale à double détente.
Dans le cadre du plan national de prévention et de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies vectorielles à tiques, le ministère des Solidarités et de la Santé a désigné en juillet dernier cinq centres hospitaliers universitaires (1) (CHU) comme « centres régionaux de référence » pour le traitement de ces maladies. Leur mission ? Déployer et coordonner la recherche clinique et la formation des professionnels de santé sur le sujet.
En complément de ce maillage, d’autres établissements de santé disséminés sur l’ensemble du territoire, se voient confier au fil des semaines le label de « centre de compétence », avec la mission concrète de prendre en charge les patients complexes, adressés par leurs généralistes.
Le comité de pilotage tenu à la direction générale de la Santé (DGS) le 21 février avait pour objectif de définir des axes de recherche des centres de référence et les parcours patients entre les premiers centres de recours (médecins traitants), les centres de compétence et de référence.
L’un des derniers établissements à avoir obtenu ce label de compétence est le centre hospitalier de Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées. La région Occitanie, assez éloignée de tous les centres de référence, compte par ailleurs trois autres centres de compétence (le CH de Perpignan, les CHU de Nîmes et Montpellier).
Avec cette stratégie à double détente, développement de la recherche clinique d’une part et amélioration des parcours patients de l’autre, la DGS entend améliorer la prise en charge des patients de plus en nombreux.
Selon Santé publique France et le réseau Sentinelle, en effet, le nombre de nouveaux cas de maladie de Lyme est en fortement augmentation (104 cas pour 100 000 habitants en 2018 par rapport à 69 cas/100 000 en 2017).
À Lannemezan, le service du docteur Raouf Ghozzi, infectiologue et spécialiste de médecine interne, réalise 1 500 consultations par an dont 80 % concernent la maladie de Lyme et les maladies vectorielles à tiques. « J’ai une file active de 700 patients suivis au long cours, mais depuis trois ans j’ai été contraint de bloquer mes consultations car j’étais appelé d’un peu partout en France et je ne pouvais plus absorber la demande », rapporte-t-il.
La polémique du SPPT
Les patients qui arrivent dans le service du docteur Ghozzi sont pour la plupart en errance médicale. « Ils ont en général déjà été vus par différents spécialistes, rhumatologues, neurologues, médecins internes, infectiologues… et viennent chercher ici une éventuelle autre réponse. Mais nous ne retenons le fameux syndrome persistant polymorphe après une possible piqûre de tique (SPPT), qui fait débat chez certains infectiologues, uniquement après avoir exclu tout le reste », décrit le spécialiste. En effet dans la majorité des cas, les patients présentent une triade de symptômes : fatigue avec un syndrome d’épuisement majeur en dehors de toute cause psychologique, douleurs musculaires et d’allure neuropathique et troubles neurocognitifs d’amnésie antérograde, de l’attention et de la concentration.
Trouver un meilleur outil d’évaluation
Ce sont précisément ces symptômes, qualifiés de « fourre-tout » et de subjectifs par certains infectiologues, qui restent difficiles à évaluer et créent la polémique. « Pour sortir de la polémique il faudrait sans doute s’entendre sur un paramètre d’évaluation thérapeutique comme l’échelle SF 36 », suggère le spécialiste.
En attendant, dans les centres de compétence comme dans celui de Lannemezan, lorsque le SPPT est retenu, les patients se voient proposer un traitement d’épreuve avec une prescription de doxycycline à 200 mg/jour pendant 28 jours ou d’azithromycine à 500 mg/jour pendant 15 jours. « Selon les cas, certains patients répondent au traitement rapidement, d’autres en revanche ne répondent qu’au bout de trois mois, et en dernier recours, il arrive que nous proposions une rotation des molécules », décrit le médecin, qui précise que « quoi qu’il arrive, il faut être dans la confiance et non dans la défiance de son patient. »
(1) Les centres régionaux de référence de la maladie de lyme sont : le CHU de Clermont-Ferrand (associé au CHU de Saint-Étienne) ; les CHU de Rennes, et de Marseille, le CHU de Strasbourg (associé au CHU de Nancy), et le groupe hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges (associé au CHU de Créteil).
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