L'état de santé alarmant d'anciens salariés exposés à un gaz industriel toxique, l'oxyde d'éthylène, dans l'entreprise Tetra Medical, aujourd'hui liquidée, a conduit la justice ce 3 mars à ouvrir une enquête.
Cette enquête préliminaire pour « mise en danger de la vie d'autrui » a été confiée « à la région de gendarmerie, qui saisira l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) et à la direction du travail », a annoncé la procureure de Privas Cécile Deprade.
L'oxyde d'éthylène est un gaz cancérogène, mutagène et reprotoxique, qui a été utilisé pendant plusieurs décennies pour stériliser le matériel médico-chirurgical produit chez Tetra (compresses, kits à usage unique…) jusqu'à la liquidation de l'entreprise en février 2022. À l’époque, y travaillaient encore 160 personnes.
« Préjudice d'ancienneté »
Un autre front judiciaire s'est aussi ouvert cette semaine devant le conseil des prud'hommes d'Annonay, où l'entreprise avait son siège. Il y a été enregistré, ce 28 février, 51 dossiers d'anciens salariés pour « préjudice d'anxiété », a indiqué l'avocat spécialiste des maladies professionnelles François Lafforgue. Une trentaine d'autres dossiers sont en cours de préparation.
Objectif : « faire indemniser les salariés risquant une pathologie grave », pour exposition à l'oxyde d'éthylène. « Il s'agit à ma connaissance du premier dossier en France sur une exposition massive à ce gaz », précise Me Lafforgue.
L'ouverture de l'enquête fait suite à la décision, annoncée le 22 février par la préfecture, la ville et l'agglomération d'Annonay, de créer une « cellule de soutien psychologique » pour les anciens salariés. Le communiqué officiel évoque une « inquiétude légitime ».
Un effet sur les enfants
La direction de Tetra Medical a-t-elle suffisamment appliqué des mesures de prévention et d'information ? La médecine du travail a-t-elle été alertée ? A-t-elle voulu ou pu effectuer des contrôles ? Sollicitée par l'AFP, la première n'a pas répondu, la seconde a fait savoir qu'elle n'avait « pas de déclaration à faire ».
L'avocat des salariés fait, lui, état d'un rapport de la médecine du travail datant de novembre 2019 et évoquant « des problèmes de fonctionnement » à la suite d'une visite effectuée en début d'année.
Une vingtaine de mois plus tard, à deux semaines de la liquidation, la médecine du travail fait effectuer des analyses de sang chez 19 salariés. Les analyses révèlent des taux d'oxyde d'éthylène anormalement élevés.
Les dégâts pourraient ne pas s'arrêter là. Car des pathologies graves sont aussi rapportées chez des enfants nés de mères salariées dans l'entreprise. L'une d'elles, Aurélie Piot, a recueilli 13 témoignages décrivant « cancers, malformations congénitales » de « bébés Tetra », mais aussi déficience de « fertilité des mamans ».
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