Selon la définition de la Haute autorité de santé de 2021, le diagnostic de symptômes prolongés du Covid-19 se fonde sur de trois critères : un épisode initial symptomatique du Covid confirmé ou probable, la présence d’au moins un des symptômes initiaux 4 semaines suivant le début de l’épisode aigu et des symptômes initiaux et prolongés non expliqués par un autre diagnostic sans lien avec le Covid.
Quelque 700 000 patients concernés
« Ces symptômes prolongés concerneraient quelque 700 000 personnes en France », a précisé le Dr Yoann Gaboreau, membre du groupe de travail « réponse rapide Covid long » de la Haute autorité de santé (HAS). Ces symptômes prolongés, on le sait, sont très variés, touchant notamment la sphère respiratoire, avec des troubles de la diffusion persistants plusieurs mois chez 25 à 50 % des patients, selon les premières études menées en Chine. Les troubles neuropsychiatriques sont également fréquents ; la fatigue, à type d’épuisement, étant rapportée chez 20 à 30 % des patients à un an et des troubles cognitifs dans 10 à 30 % des cas. Difficile toutefois d’avoir une idée précise de la prévalence des différents symptômes, en raison de la grande variabilité des données des études.
Plusieurs hypothèses physiopathologiques
Que sait-on aujourd’hui des mécanismes physiopathologiques impliqués dans la persistance des symptômes ? « Plusieurs pistes, non exclusives, sont explorées », a indiqué la Dr Dominique Salmon-Ceron, infectiologue à l’Hôtel-Dieu à Paris. La persistance virale est l’un des mécanismes évoqués. Ce phénomène, connu chez les sujets immunodéprimés, a pu être mis en évidence chez des patients souffrant de symptômes prolongés plus de 6 mois après l’épisode initial : ARN viral dans les fentes olfactives, antigènes de nucléocapside dans les tissus digestifs, protéines spike dans les monocytes et composés organiques volatiles dans la sueur, pouvant être repérés par des chiens. Dans une étude autopsique menée chez 44 personnes décédées jusqu’à 230 jours après le Covid aigu, le Sars-CoV-2 a été détecté dans les tissus, en particulier respiratoire, dans 100 % des cas. Si ces observations suggèrent une possible implication de la persistance virale dans la présence de symptômes prolongés, les questions sont encore nombreuses. Dans quelles cellules l’ARN ou les antigènes viraux persistent-ils ? Le virus a-t-il la possibilité de se répliquer ? Cette persistance virale est-elle à l’origine d’une inflammation au niveau microcapillaire, et donc d’une hypoxie, qui pourrait expliquer le brouillard cognitif rapporté par de nombreux patients ? Ou bien la persistance du virus entraîne-t-elle une destruction endothéliale ?
La voie immunologique est aussi très étudiée, des travaux ayant montré des réponses T et B inadaptées, parfois trop faibles, parfois trop fortes. Des études très récentes ont mis en évidence une sécrétion excessive de médiateurs inflammatoires, ferritine, D-dimères, cytokines pro-inflammatoires, facteurs de croissance, chimiokines, avec, en particulier, une augmentation des taux d’interféron. D’autres équipes se penchent sur le syndrome d’activation mastocytaire secondaire, dont les symptômes sont prévalents en cas de symptômes prolongés du Covid. Au cours de ce syndrome, l’activation inappropriée des mastocytes entraîne une cascade cytokinique et une inflammation chronique multisystémique. Un test thérapeutique avec éviction des aliments riches en histamine est licite, devant des symptômes évocateurs.
« La piste neuro-inflammatoire suscite de nombreuses recherches », a souligné la Dr Salmon-Ceron. L’atteinte du tronc cérébral, via le bulbe olfactif, pourrait expliquer des signes comme les épisodes de tachycardie, la gastroparésie ou encore les troubles cognitifs dont se plaignent certains patients. Une exploration par PET-scan a mis en évidence un hypométabolisme au niveau du bulbe olfactif, de l’amygdale, de l’hippocampe, du cervelet et du tronc cérébral chez des sujets souffrant de symptômes prolongés comparativement à des sujets témoins.
Les symptômes prolongés présents dans ce contexte de Covid ont des similarités avec d’autres syndromes post-infectieux, en particulier le syndrome de fatigue chronique. Enfin, des facteurs psychologiques ou des troubles fonctionnels pourraient les entretenir.
Être attentif quelle que soit la plainte
Comme prendre en charge les symptômes et accompagner les patients ? « Il importe d’être attentif quelle que soit la plainte », a rappelé le Dr Claude Bronner, médecin généraliste à Strasbourg, précisant que, d’après les premiers retours des cellules de coordination, de nombreux patients pointent le fait que « leur médecin ne les prend pas au sérieux ». Lorsque le premier niveau de prise en charge — le médecin traitant et le réseau de ville de spécialistes et kinésithérapeutes — ne suffit pas, il est conseillé de faire appel à une des cellules de coordination post-Covid, déployées depuis mars 2021 par les Agences régionales de santé. Quelque 130 cellules sont aujourd’hui effectives, chargées d’informer et d’orienter les professionnels et leurs patients.
Les fiches techniques élaborées par la Haute autorité de santé apportent des réponses possibles aux symptômes, en se focalisant non pas sur la recherche d’une étiologie, mais sur l’identification et la caractérisation des symptômes, qui sont du ressort de l’intime du patient. Et comme l’a rappelé le Pr Philippe Cornet, professeur émérite de médecine générale et docteur en sociologie, « d’un point de vue anthropologique, la maladie est une construction sociale et est source de représentations qui contribuent à lui donner un sens ». Elle entraîne un basculement identitaire et un réaménagement de soi et pour accompagner le patient, il ne faut pas hésiter à rompre avec les liens de causalité, « le comment », et s’attacher aussi « au pourquoi ».
Cette approche est explicitée dans un document faisant la synthèse d’un travail collaboratif, récemment mis en ligne par le Collège de médecine générale (1).
Exergue : De nombreux patients déplorent le fait que « leur médecin ne les prend pas au sérieux »
(1) Symptômes prolongés de la Covid-19 et symptômes prolongés aspécifiques. Février 2022. https://lecmg.fr/wp-content/uploads/2022/03/Livrable-Sympto%CC%82me-COV…
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