L’association de patients atteints de maladie rénale Renaloo a annoncé avoir déposé plainte auprès du procureur de la République de Nancy pour « atteinte à l’intégrité du corps humain, mise en danger de la vie d’autrui et abus de faiblesse », soit trois infractions pénales.
Cette plainte vise l’hôpital privé Nancy Lorraine (groupe Elsan) qui aurait effectué, selon l’association, des dialyses « en urgence, sans nécessité médicale » entre 2018 et 2023 chez « un nombre important » de patients, ayant exposé ces derniers à des risques et des complications. « Des expertises médicales ont confirmé ces pratiques maltraitantes, mettant en danger les patients et violant leurs droits. Malheureusement, la plupart d’entre eux ignorent à ce jour les abus et agressions dont ils ont été victimes », accuse l’association dans un communiqué.
Ils souffraient d’insuffisance rénale aiguë, dont le traitement aurait dû imposer des soins médicaux, mais en aucun cas la dialyse
Renaloo
L’affaire débute au cours de l’été 2023, lorsque l’association est informée que plusieurs patients ont subi des dialyses en urgence sans nécessité médicale. Leur point commun : « ils souffraient d’insuffisance rénale aiguë, dont le traitement aurait dû imposer des soins médicaux, mais en aucun cas la dialyse », indique Renaloo. Une trentaine de patients pourraient être concernés.
La gravité de la situation a entraîné des lancements d’alerte dès le printemps 2023. Saisie par Renaloo, la Commission nationale de déontologie et d’alerte en santé publique et environnementale (CnDAspe) aurait constaté « des actes de maltraitance médicale, une mise en danger de personnes vulnérables et de graves écarts aux bonnes pratiques médicales ». Le dossier est ensuite transmis au procureur de la République de Nancy, au conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) et à l’Agence de biomédecine.
Encadrement des prescriptions par un néphrologue extérieur
« Malgré la gravité des faits pour lesquels ils sont mis en cause, les praticiens incriminés sont toujours en activité. La seule mesure concrète, prise par l’établissement a été la mise sous tutelle depuis novembre 2023 de toute nouvelle prescription de dialyse par un néphrologue extérieur », s’impatiente Renaloo.
Mis en cause, l'hôpital privé Nancy-Lorraine a répondu fin janvier par un communiqué exposant sa version des faits. « Au printemps 2023, des divergences au sein de l’équipe de néphrologues libéraux d’HPNL ont conduit certains praticiens à alerter la direction et à faire des signalements », peut-on lire. La direction de l’établissement explique avoir demandé une expertise indépendante sur l’organisation médicale du centre ainsi que l’audit de dossiers de patients. « L’ensemble des recommandations de l’expert indépendant ont été très rapidement mises en œuvre, avec le concours d’un professeur de néphrologie reconnu qui en assure le suivi au quotidien », assure la direction.
Le syndicats des néphrologues réagit
De son côté, le Syndicat national des néphrologues libéraux (SNL) se dit dans l'attente des résultats de l'expertise officielle, diligentée par l’ARS Grand Est sur un panel de dossiers. Et s'il s'avère que des pratiques inadaptées de la prise en charge de l’insuffisance rénale aiguë se confirment, et ont pu mettre en danger des patients insuffisants rénaux, le syndicat « condamnera avec la plus grande fermeté ces dérives qui déshonorent notre spécialité et discréditent le travail fait quotidiennement par les néphrologues libéraux dans le respect des règles de l'art et l'application des bonnes pratiques », indique son président, le Dr Christophe Goupy.
Ces soupçons de dialyses abusives interviennent dans un contexte plus large de surveillance des dépenses du secteur par les autorités. En 2020, dans son rapport public annuel, la Cour des comptes avait consacré un chapitre entier à l’insuffisance rénale chronique terminale, « une prise en charge à réformer au bénéfice des patients ». Elle pointait alors les coûts croissants et des rentes de situation persistantes en matière de dialyse.
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