L’empagliflozine fait ses preuves dans l’insuffisance rénale

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Publié le 02/12/2022
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Chez les insuffisants rénaux chroniques sévères, l’empagliflozine réduit le risque de progression de la maladie rénale ou de décès cardiovasculaires (CV), ainsi que les hospitalisations de toutes causes. Ces bénéfices sont observés indépendamment de tout antécédent cardiovasculaire et de l’existence d’un diabète.
Les hospitalisations, toutes causes confondues, sont diminuées de 14 %

Les hospitalisations, toutes causes confondues, sont diminuées de 14 %
Crédit photo : phanie

À travers différentes études, les inhibiteurs du SGLT-2 ont montré leur intérêt aussi bien sur les pathologies CV que rénales. L’objectif de l’essai EMPA-KIDNEY (1,2) était de vérifier si ce bénéfice se retrouvait chez tous les insuffisants rénaux chroniques (IRC), avec ou sans diabète, et ayant ou non une pathologie CV. 

Une maladie avancée avec des comorbidités

Avec 6 609 participants inclus, il s’agit de la plus vaste étude menée avec un iSGLT2 dans l'IRC. Les critères d’inclusion étaient la présence d’une IRC authentifiée à risque de progression depuis au moins trois mois, avec un taux de filtration glomérulaire estimé (eGFR) compris entre 20 et 45 ml/min/1,73 m² ou un débit de filtration glomérulaire (DFG) entre 45 et 90 ml/min/1,73 m², ainsi qu’un rapport albumine/créatinine urinaire ≥ 200 mg/g. L’âge moyen était de 64 ans, avec un tiers de femmes. De nombreux patients présentaient déjà des comorbidités cardiaques, rénales et métaboliques : eGFR moyen de 37 ml/min/1,73 m²; 46 % de diabétiques et 26 % avec des antécédents CV.

Entre mai 2019 et avril 2021, les participants ont été randomisés pour recevoir, en plus de leur traitement habituel, soit de l'empagliflozine 10 mg par jour, soit un placebo. Ils ont été suivis pendant deux ans. 

Une moindre progression de la pathologie rénale

Le critère de jugement principal combinait les décès CV et la progression de la maladie rénale (définie par une IRC terminale, un décès lié à la pathologie rénale, une diminution soutenue du DFG de plus de 40 % ou passant en dessous des 10 ml).

Les événements ont été réduits de 28 % dans le groupe empagliflozine (p < 0,001) : 13,1 % versus 16,9 %. Concernant les critères secondaires, il a été observé une tendance non significative à la diminution des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (IC, HR = 0,80), de la combinaison hospitalisations pour IC ou décès CV (4 % versus 4,6 %) et des évènements CV majeurs (MACE, HR = 0,93). La mortalité toutes causes était similaire dans les deux bras : 4,5 % versus 5,1 % (p > 0,05). Le taux de complications CV était plus faible qu’attendu. Si l’effet sur les MACE n’est pas significatif, il est cohérent avec les résultats obtenus dans d’autres essais. Quant aux hospitalisations toutes causes confondues, elles sont significativement diminuées de 14 % (HR = 0,86, p = 0,003).

Qu’il s’agisse du critère primaire ou de la réduction des hospitalisations, le bénéfice était identique que les patients aient ou non une pathologie CV, et qu’ils soient ou non diabétiques. 

Vers un futur traitement ?

Les résultats concordent avec ceux de l'essai DAPA-CKD, où la dapagliflozine était supérieure au placebo pour limiter le risque d’aggravation de la maladie rénale et réduire les évènements CV. Même si les iSGLT-2 constituaient initialement le traitement du diabète de type 2 (DT2), les résultats obtenus avec la dapagliflozine et l’empagliflozine montrent une efficacité certaine chez les patients atteints d’IRC, même en l’absence de DT2. Le bénéfice est similaire à ce qui a été constaté dans l’IC. « Ces données pourraient modifier nos pratiques, se félicitait le Pr David Preiss (Royaume-Uni). Les iSGLT-2 pourraient être proposés afin de réduire le risque de progression de la maladie rénale et de complications cardiovasculaires, chez les personnes atteintes d'insuffisance rénale chronique qu'elles soient ou non diabétiques de type 2 »

Une méta-analyse concordante

Parallèlement, le Pr David Preiss présentait une méta-analyse de 13 essais majeurs menés avec les iSGLT2 et incluant EMPA-KIDNEY. Les 90 000 participants avaient soit un DT2 et une maladie CV ou un haut risque CV, soit une IC, soit une IRC. Globalement, le risque de décès CV était réduit de 14 %, et celui de décès CV ou d’hospitalisations pour IC de 23 %. Le bénéfice était similaire que les patients soient ou non diabétiques. Le risque de progression de la maladie rénale a été réduit de 37 % dans l'ensemble, avec là encore des effets similaires quel que soit le statut diabétique.

(1) Preiss D et al, Empagliflozin and Cardiovascular Outcomes in Patients With Chronic Kidney Disease : The EMPA-KIDNEY Trial, AHA 2022, Abstract 19464
(2) EMPA-KIDNEY Collaborative Group, N Engl J Med 2022; Nov 4

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin