« Plutôt que le terme d’épilepsie, encore trop souvent associé à une stigmatisation des malades, je préfère parler de troubles du rythme cérébral. Les crises ne représentent que la partie la plus visible de ces troubles. Un retentissement du fonctionnement thymique ou cognitif est aussi fréquent », note le Pr Fabrice Bartolomei, chef du service d’épileptologie et rythmologie cérébrale à l’hôpital de la Timone (Marseille).
Mieux comprendre la genèse des crises
« Grâce aux progrès en neuro-imagerie, nous sommes capables de détecter de toutes petites anomalies du cortex cérébral présentes depuis la naissance (dysplasies corticales focales) avec de bonnes résolutions (IRM 7 Teslas à très haut champ). Ces mini-malformations du cerveau sont potentiellement opérables avec souvent, beaucoup de succès, d’où l’intérêt de les repérer », poursuit le Pr Bartolomei.
Les avancées concernent aussi la génétique. Une prédisposition génétique est retrouvée dans 10 à 15 % des épilepsies et la mutation d’un gène, souvent responsable d’une maladie plus sévère, dans moins de 5 % des cas. « La structuration des laboratoires de génétique permet d’offrir aux cliniciens un panel de gènes testables en clinique (pour le syndrome de Dravet, la sclérose tubéreuse de Bourneville, etc.). Des réactualisations des tests se font chaque année, en fonction de la découverte de nouveaux gènes ». En dépit de ces progrès, il reste encore 20 à 30 % des épilepsies sans cause reconnue.
Des avancées thérapeutiques
Le développement d’antiépileptiques se poursuit, le dernier étant le brivaracetam, un dérivé du lévétiracétam. Il présente l’avantage d’avoir moins d’effets secondaires psychiatriques. Le cannabidiol, dérivé du cannabis sans THC, fait l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation en raison de ses propriétés antiépileptiques démontrées dans les syndromes de Dravet et de Lennox-Gastaut. Ce dernier associe des chutes, des absences, un retard mental et s’avère très pharmacorésistant. Le cannabidiol limite la fréquence des chutes et blessures chez 40 % de ces malades. « Sous l’égide de l’ANSM, nous allons pouvoir donner dans les centres de référence du cannabidiol à une plus large population de patients ayant une épilepsie résistant aux traitements, soit environ 30 % des épileptiques et donc plus de 120 000 malades en France », se réjouit le Pr Bartolomei.
Un autre objectif est d’améliorer les résultats en chirurgie. « Cela demande de mieux sélectionner les candidats et de le faire le plus tôt possible, car plus la maladie épileptique dure et moins bon est le pronostic chirurgical. Lorsqu’en dépit de deux antiépileptiques essayés suffisamment longtemps, il n’y a pas d’amélioration significative, c’est une indication pour envoyer ces malades dans un centre de référence, insiste le Pr Bartolomei. Environ 20 % des patients épileptiques sont opérés, avec un taux de succès de l’ordre de 60 à 70 % ».
Pour les 80 % de patients non opérables et pharmacorésistants, l’espoir vient des thérapies alternatives de neurostimulation et de neuromodulation. La technique la plus ancienne est la stimulation du nerf vague : chez près de la moitié des patients, elle diminue la fréquence et l’intensité des crises. Les stimulations intracérébrales (Deep Brain Stimulation ou DBS) qui agissent sur le thalamus, en particulier son noyau antérieur pour les épilepsies temporofrontales, donnent aussi un résultat intéressant chez 40 à 50 % des patients. Stimulation vagale et DBS peuvent être associées.
« À Marseille, nous travaillons encore sur la stimulation de la partie postérieure du thalamus (le pulvinar), qui pourrait donner de bons résultats dans les épilepsies corticales. Pour mieux prédire les effets des chirurgies invasives, nous avons un projet de modélisation cérébrale : le développement d’un cerveau virtuel (Epinov) réalisé avec Viktor Jirsa, directeur de l’Institut de Neurosciences des Systèmes ».
Reste enfin la stimulation non invasive. « Notre Projet ERC Galvani, mené avec Neuroélectrics (Barcelone) et Fabrice Wendling (directeur du laboratoire de traitement du signal et de l’image à l’Inserm, Rennes), a pour objectif de moduler l’activité électrique du cerveau, grâce à une stimulation transcrânienne venant inhiber les zones cérébrales épileptogènes. Une étude pilote a débuté à Marseille, incluant une vingtaine de patients pharmacorésistants, qui se voient proposer des séances de 40 minutes par jour pendant cinq jours, puis tous les deux à trois mois. Il n’y a pas d’effets secondaires à déplorer. L’essai évalue la fréquence et la sévérité des crises, la qualité de vie et l’état psycho-affectif du patient. Si les bons résultats sont confirmés, une étude multicentrique démarrera », conclut le Pr Bartolomei.
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