Les AVC lacunaires secondaires à l’atteinte des petits vaisseaux représentent 20 à 25 % des AVC ischémiques. Jusqu’ici, ils ne bénéficiaient pas de traitement spécifique.
Deux médicaments couramment employés
Selon l’hypothèse de l’étude LACunar Intervention Trial 2 (LACI-2), agir sur la paroi des petits vaisseaux permettrait d’améliorer leur fonction, et donc de prévenir ou limiter les lésions cérébrales post-AVC (1). Ainsi, deux molécules utilisées en pathologie cardiovasculaire ont été évaluées (seules ou associées) : le cilostazol, un inhibiteur de la phosphodiestérase 3 prescrit dans l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), et le mononitrate d'isosorbide, un dérivé nitré vasodilatateur. Celles-ci avaient fait preuve de leur bonne tolérance dans un essai de phase I.
Deuxième plus grand essai jamais réalisé sur l'AVC lacunaire, l’étude institutionnelle de phase II LACI-2 a recruté, de février 2018 à mai 2022, 363 adultes après un AVC lacunaire dans 26 centres du Royaume-Uni. Ils étaient âgés en moyenne de 64 ans et 31 % étaient des femmes, avec des antécédents et des caractéristiques cliniques représentatifs des patients atteints d’AVC lacunaires. Ils ont tous poursuivi leur traitement usuel (antiagrégants/anticoagulants, antihypertenseurs, hypolipémiants…). Ils ont été randomisés en quatre groupes de traitement : mononitrate d'isosorbide ou cilostazol en monothérapie, association des deux médicaments, ou placebo.
Une bonne tolérance
Le traitement est bien toléré. En effet, 358 patients participaient toujours à l'étude au bout d’un an, et 95 % des participants prenaient au moins la moitié des doses de médicaments prescrites. Le taux d’évènements graves était très faible : quatre décès, quatre saignements extra-cérébraux, mais pas d’hémorragie intracrânienne, ni de chutes ou de vertiges. Certains sujets ont rapporté quelques maux de tête attendus sous vasodilatateurs.
Une efficacité sur l’atteinte cognitive
Après un an, l’association cilostazol et mononitrate d'isosorbide réduisait significativement les évènements du critère primaire composite : récidive d’AVC et accident ischémique transitoire (AIT), infarctus du myocarde, décès, détérioration cognitive, dépendance, troubles de l'humeur et qualité de vie. L’amélioration de ce critère composite reposait essentiellement sur l’efficacité sur les troubles cognitifs, avec un bénéfice de 66 % évalué sur une échelle de cognition (2). Les résultats fonctionnels étaient aussi significativement meilleurs, selon l’échelle de handicap de Rankin (OR ajustée de 0,51 ). Il a également été observé une diminution de l’aide nécessaire pour les tâches de la vie quotidienne, ainsi que des effets positifs sur l'humeur et la qualité de vie. « C’est la première fois qu’une amélioration des troubles cognitifs est constatée dans ce type d’AVC », se félicitait le Pr Philip M. Bath (Nottingham).
En monothérapie, quelques bénéfices étaient observés avec le cilostazol ou le mononitrate d'isosorbide, utilisés séparément. En effet, le mononitrate d'isosorbide diminue les récidives d’AVC (4 versus 15), les troubles cognitifs et la qualité de vie. Quant au cilostazol, il réduit le besoin d'assistance quotidienne. « Nous avons ainsi pu constater que ces deux molécules agissent en synergie », remarque la Pr Joanna M. Wardlaw, neuroradiologue (Édimbourg).
Une extension à d’autres pathologies ?
L'étude connait certaines limites, notamment sa taille relativement faible. Cet essai n’étant pas conçu pour mesurer l'efficacité, les résultats montrant un bénéfice clinique doivent être interprétés avec prudence. De plus, l’étude ne durait peut-être pas assez longtemps pour apprécier l’effet du cilostazol et elle a été perturbée par l’épidémie de Covid-19. Par ailleurs, les patients étaient randomisés à l’aveugle, mais l'essai était mené en ouvert.
Les bénéfices potentiels de ces médicaments, dans le traitement des complications de l'AVC lacunaire, vont être évalués dans une plus vaste étude de phase III. « D’autres essais seront menés pour identifier un éventuel intérêt de ces molécules dans différentes pathologies impliquant les petits vaisseaux », poursuit la Dr Wardlaw, tout comme dans les suites d’autres types d’AVC.
(1) WardlawJM et al. ISC 2023, abst LB4
(2) Bath PM et al. ISC 2023, abst LB12
Article précédent
Après un AVC non cardio-embolique, 20 % des patients en fibrillation atriale
Article suivant
Baisser la pression artérielle après thrombectomie ?
Après un AVC non cardio-embolique, 20 % des patients en fibrillation atriale
Infarctus cérébral lacunaire : deux molécules limitent les séquelles
Baisser la pression artérielle après thrombectomie ?
Un neuroprotecteur bénéfique !
Thrombolyse : aspirine/clopidogrel ?
Effet de l'HTA sur les structures cérébrales
Privilégier le traitement endovasculaire dans les AVC étendus
Les SMS du congrès ISC
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?