LE QUOTIDIEN : Quelles sont les racines du projet européen Plan’Eat ?
ANTHONY FARDET : Ce projet, qui a débuté en septembre 2022, prendra fin en août 2026. Il a pour mission d’étudier de façon approfondie les facteurs qui sous-tendent les comportements alimentaires dans différentes populations en Europe aux niveaux macro (système alimentaire), méso (environnement plus proche, par exemple pour les enfants : publicité, restauration scolaire, fast-foods, parents et enseignants), micro (facteurs qui motivent les comportements individuels, tels que les goûts personnels ou la culture culinaire).
Tout cela se passe au niveau de neuf Living Labs ou « laboratoires vivants » (Suède, Pologne, Hongrie, Allemagne, France, Irlande, Italie, Espagne, Grèce), dans lesquels les personnes contribuent à une recherche participative visant à mieux comprendre les manières de s’alimenter compte tenu du contexte social et environnemental quotidien. Cette recherche est nourrie par la multiplicité des partenaires académiques et aussi, grande originalité de l’étude, par de nombreuses autres parties prenantes.
Ces comportements alimentaires seront cartographiés et aussi « monétisés » en termes d’impacts environnementaux, socio-économiques et sanitaires.
Quelles sont les originalités du laboratoire vivant français ?
Les neuf laboratoires vivants exploreront les populations n’étant pas libres à 100 % de leurs choix alimentaires, présentant ainsi des risques sanitaires et sociaux : personnes âgées dépendantes de la restauration collective en Ehpad, familles monoparentales où il n’y a pas toujours les moyens de faire les bons choix, étudiants modestes qui ont tendance à s'orienter vers la malbouffe.
En France, notre programme en Auvergne, coordonné par la chercheuse Claire Planchat-Héry, s’intitule Plan'Eat Kids. Nous travaillons avec les 6-15 ans dans huit écoles élémentaires, collèges et lycées choisis dans le territoire du projet alimentaire territorial (PAT) du pays du Grand Clermont et du parc naturel régional Livradois-Forez de façon à mixer les milieux urbains, périurbains et ruraux.
C’est à cette tranche d’âge que se forment les goûts et les habitudes alimentaires. L’alimentation ultratransformée est addictive du fait des ajouts de sel, sucres, gras et des agents cosmétiques. Ils sont très standardisés, de sorte qu’il est très difficile de changer pour des textures et des goûts plus exigeants (acidité des produits fermentés ou amertume de certains végétaux). Sans compter que les enfants sont des cibles privilégiées de la publicité.
Un outil scientifique mis au point dans notre laboratoire suit la règle des 3 V : séparer les aliments « vrais » des aliments ultratransformés, puis favoriser le « végétal » et, enfin, chercher à « varier » son alimentation.
Quelles sont vos premières actions ?
Cette première année, nous avons rencontré une grande partie des acteurs locaux qui sont impliqués dans l’environnement alimentaire, de la fourche jusqu’à la fourchette des enfants consommateurs : élus, industriels, agriculteurs, services de commercialisation, associations, écoles, parents, diététiciens, infirmières scolaires, scientifiques ou encore le centre Caloris, spécialisé dans l'obésité.
Il s’agit dès à présent de dire qu'on est tous concernés et que l'on peut tous s'impliquer, que l’on se trouve dans des communes petites ou plus riches ou que l’on soit issu de familles proches ou éloignées d’une alimentation de qualité.
Quels objectifs souhaitez-vous atteindre d’ici à 2026 ?
Un congrès rassemblera tous les partenaires à Bruxelles afin d’exposer l’ensemble des résultats. Nous cherchons à ce qu’il y ait des répercussions fortes dans les politiques européennes.
Nous souhaitons présenter des solutions opérationnelles et appropriables à chaque pays. Cela passe par des exemples simples de produits pouvant être améliorés dans les cantines et à la maison : un cordon-bleu non industriel, des biscuits fait maison pour la collation de 10 heures et le goûter.
Un conseil municipal rassemblant élèves, éducateurs, cuisiniers, élus et restaurateurs privés est une initiative de nos partenaires à encourager. Le plus important est de donner le rôle principal aux enfants, acteurs de l’alimentation saine et durable de demain !
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