L’apposition de « feux de signalisation » de la qualité nutritionnelle sur les emballages alimentaires a été proposée par Serge Hercberg (2) dans le rapport remis à la Ministre de la santé le 28 janvier dernier visant à donner un nouvel élan à la politique nutritionnelle française de santé publique dans le cadre de la Stratégie Nationale de Santé (3). Elle vise à « éclairer les consommateurs (notamment les plus défavorisés) sur la qualité nutritionnelle des aliments pour les aider à arbitrer leurs choix, tout en respectant leur liberté (prévention "active") ».
Concrètement, il s’agit d’appliquer une signalétique simple sur les aliments, fondée sur un score international de qualité nutritionnelle (en l’occurence il s’agit de l’Ofcom), permettant ainsi au consommateur – même s’il n’est pas un spécialiste en nutrition – de comprendre la qualité nutritionnelle d’un produit. Cinq classes (A, B, C, D, E) sont couplées à autant de couleurs (vert, jaune, orange, fushia, rouge).
Au quotidien, cela permettrait de comparer la qualité des différents aliments entre eux, ou à l’intérieur d’une même famille, ou encore entre des mêmes aliments mais de marques différentes. Par exemple, au rayon apéritif, les tortillas sont de meilleure qualité nutrionnelle que les chips, elles-mêmes meilleures que les soufflés au fromage. Et si l’on s’intéresse aux lasagnes à la bolognaise, sur 16 produits en supermarché, quatre couleurs sont représentées : 19 % en vert (qualité A), 63 % en jaune (qualité B), 12 % en orange (qualité C) et 6 % en fushia (qualité D).
L’affichage clair de ces qualités pousserait les fabricants à améliorer leurs recettes pour changer de catégorie. Par exemple, dans un brownie, si le fabricant diminue de 10 % les acides gras saturés, il passe de rouge à fushia.
À noter que trois produits font l’objet d’un mode de calcul adapté : les fromages pour qu’ils ne tombent pas tous indifféremment dans la catégorie rouge, les matières grasses ajoutées – pour différentier leur intérêt par rapport aux acides gras apportés – et les boissons lights, qui ne peuvent être confondues dans une même classe avec l’eau. Les produits artisanaux ou de traiteurs ne sont pas notées, en revanche les menus de restauration collective le sont.
Opposants
En face, les opérateurs économiques s’opposent farouchement à cette mesure. Cette proposition avait déjà été retoquée en 2010 au parlement européen après un lobbying estimé à 1 milliard d’euros par l’ONG Corporate Europe observatory (4). Les fabricants préfèrent à cette signalétique un étiquetage ton sur ton, indiquant les quantités de nutriments et leur proportion par rapport aux apports journaliers recommandés (AJR), ainsi que la liste des ingrédients, comme c’est le cas actuellement. « En France, l’Association nationale des industries agro-alimentaires (ANIA) a indiqué son opposition à la mesure », explique le Pr Hecberg, qui se réjouit du soutien apporté à cette pétition : « des discussions interministérielles complexes sont en cours. Il est important de montrer que les feux de signalisations répondent aux attentes des acteurs de la santé, mais aussi à celles des consommateurs et des patients ».
Entretien avec le Pr Serge Hercberg (3)
(1) https://www.youtube.com/watch?v=GAwTyEEHnOs&feature=youtu.be
(2) PU-PH Nutrition, Université Paris 13, Hôpital Avicenne Bobigny, directeur unité de recherche en épidémiologie nutritionnelle, U557 Inserm/Inra/Cnam/Université Paris 13, président du Programme national nutrition santé (PNNS) 2001-2005, 2006-2010, 2011-2015.
(3) www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000068/…
(4) http://corporateeurope.org/news/red-light-consumer-information
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