Le glaucome à pression normale (GPN) est une neuropathie optique progressive avec un tableau typique de glaucome à angle ouvert, mais sans élévation de la pression intraoculaire (PIO) ; les facteurs non pressionnels prédominent. Il faudra réaliser un diagnostic d’élimination des glaucomes à angle ouvert hypertensifs et d’autres neuropathies.
Selon la définition européenne, le glaucome primitif à angle ouvert (GPAO), dont fait partie le GPN, a pour caractéristiques des modifications morphologiques de la tête du nerf optique et des fibres nerveuses rétiniennes en l’absence d’autres pathologies oculaires, ces modifications s’associant à la perte progressive des cellules ganglionnaires rétiniennes et du champ visuel. Cette définition ne mentionne aucunement la PIO et recouvre donc tous les glaucomes à angle ouvert quelle que soit la pression.
« Le GPN concerne un tiers des glaucomes en Europe, 40 à 75 % des GPAO et, si le diagnostic de GPAO est sous-etimé, celui de GPN l’est doublement, déplore le Pr Jean-Marie Giraud (Val-de-Grâce). Sa définition ne nous aide pas, puisque le GPN est dit d’étiologie et de physiopathologie inconnues. »
Le GPN débute généralement vers 35 ans. Il reste asymptomatique jusqu’à ce qu’il provoque une atteinte avancée du champ visuel. On observe des dommages typiques du glaucome au niveau du nerf optique, avec des hémorragies du disque optique et, au niveau du champ visuel, des scotomes paracentraux. En gonioscopie, l’angle est ouvert et on ne retrouve pas d’antécédents de pathologie oculaire ni de prise de corticoïdes.
Intrication de facteurs environnementaux, génétiques, vasculaires
Le glaucome primitif est un groupe de maladies complexes, hétérogène, résultant de l’interaction de multiples facteurs de risque, vasculaires, génétiques, pressionnels. Dans le GPN, prédominent les facteurs de risque non pressionnels qui augmentent la vulnérabilité des fibres nerveuses rétiniennes à une PIO même normale.
Il existe une prédisposition génétique certaine, avec des antécédents familiaux dans 20 à 40 % des cas, une prévalence très différente selon les populations : 30 % dans les populations occidentales, supérieure à 75 % dans les populations asiatiques. On a identifié plus de 20 loci et au moins cinq gènes impliqués dans le GPN.
« Mais la PIO garde un certain rôle, puisque la prévalence du GPN est corrélée au niveau de la PIO même dans les limites de la normale et que la baisse de la PIO réduit l’altération du champ visuel, constate la Dr Hélène Bresson-Dumont (clinique Jules Verne, Nantes). Toutefois elle ne limite pas nécessairement la progression de la maladie ».
En fait, la lame criblée, portion laminaire de la tête du nerf optique serait le site principal de lésions des axones des cellules rétiniennes dans le glaucome et jouerait un rôle dans la physiopathologie. Elle est exposée à un gradient de pression, entre la PIO et la pression du LCR translaminaire, gradient très élevée dans les GP à PIO élevées… mais aussi dans une moindre mesure dans les GPN.
Il existe donc un réel barotraumatisme, qui explique la similitude des lésions dans le glaucome à PIO élevée ou non. Dans le GPN, la lame criblée serait plus fine et plus déformable, et l’altération de la dynamique du LCR rendrait compte de la moindre élimination des substances neurotoxiques.
Certains éléments pourraient aggraver le gradient de pression translaminaire, comme l’IMC, qui constitue donc un facteur de risque modifiable, des facteurs vasculaires, qui réduisent le flux sanguin oculaire, facteur d’incidence et de progression dans la moitié des glaucomes. Ainsi, l’hypotension artérielle, le diabète, l’athérosclérose, l’hyperviscosité sanguine mais aussi la myopie.
Le GPN serait aussi associé aux syndromes d’apnée obstructive du sommeil (SAOS), aux lésions ischémiques cérébrales diffuses. L’immunité aberrante pourrait aussi jouer un rôle puisque le GPN est associé dans 30 % à des maladies auto-immunes.
Enfin, les facteurs environnementaux favorisant les pathologies dégénératives, comme les pesticides pourraient aussi être impliqués, et on a constaté que les GPN sont plus fréquents chez les agriculteurs.
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